À un de ces jours….

Plus d’un an sans article. Plusieurs se demanderont pour quelles raisons.

En fait, la vie possède le don de nous ramener à l’ordre. Une succession d’événements incontrôlables en février 2022 m’ont obligé à revoir mes priorités et rediriger mes énergies du jour au lendemain. Presque chaque semaine, je me sentais coupable de ne rien publier. Au moins, aviser, me disais-je. Même si je ne suis redevable envers personne, vous avez quand même été des milliers d’abonnés(ées) à m’avoir suivi depuis toutes ces années. C’est un contrat morale quand même. Et voilà, en cette journée morne et pluvieuse du 01 avril 2023, une petite fenêtre de temps vient de s’ouvrir pour boucler cette boucle.

Ainsi, pour le moment, je devrais poursuivre ce silence écrit jusqu’à une date indéterminée. Je ne veux rien promettre pour un retour. Ça n’arrivera peut-être jamais. Qui sait? Par respect et reconnaissance envers toutes les personnes qui m’ont aidées et les généreux témoignages reçus, je laisse tous mes 600 articles disponibles afin qu’ils soient témoins de leur contribution et aider tout individu qui voudrait prendre le flambeau. Les questions et commentaires dans la zone discussion seront eux aussi encore disponibles mais les délais de réponses seront très éloignées dans le temps.

Continuez à protéger ce patrimoine immatériel et leurs histoires.

Carte postale de février 2022

J’avoue avoir tardé à reprendre l’écriture depuis ma dernière chronique en décembre 2021. L’hiver m’engourdi l’âme. L’humeur planétaire maussade semble aussi m’avoir atteint. Bref, ça explique peut-être le manque d’entrain à reprendre le clavier. Quoi qu’il en soit, la vie continue et je garde espoir. Le printemps reviendra. On a toujours le choix en se levant chaque matin de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.

Alors, qu’est-ce qu’il y a dans mon verre à moitié plein pour me redonner le sourire: des chats!

Ce petit animal bénéficie d’une très grande popularité auprès de l’espèce humaine depuis des milliers d’années. Chez-nous aussi! Il y en a toujours eu. Ils ne rendent pas juste service en chassant la vermine dans les fermes et maisons mais pouvaient être aussi des stars au point de devenir des être adulés par les égyptiens. Pas surprenant qu’ils soient aussi devenus les chouchous d’Internet dès l’avénement du web dans les années 1990. L’une des premières vidéos publiées par Steve Chen sur YouTube en mai 2005, l’un des fondateurs de la plateforme, était justement une vidéo de son chat. Et durant cinq années consécutives, la vidéo la plus regardée fût celle d’un félin. Pour quelles raisons un tel engouement pour ce petit animal? Simplement parce qu’ils parviennent à créer une vraie connexion émotionnelle avec l’audience, qu’elle aime ces animaux ou non. Leur manière de se comporter unique, drôle et amusant, leur « indépendance » et ce côté joueur séduit beaucoup les internautes. L’interaction que les chats entretiennent avec l’homme est, selon moi, une représentation de notre société. Ils reflètent notre manière de vivre au quotidien. Ils nous touchent justement parce qu’ils agissent un peu comme nous. En réalité: côtoyer ou voir un / des chat(s) rend heureux. Plusieurs études l’ont démontré. Ce n’est pas pour rien s’ils deviennent des acteurs essentiels en zoothérapie. J’en ai 4. Alors, si j’ai un petit coup de cafard…. Hop! y’a un chat sur moi.

Alors, j’ai songé moi aussi vous remonter le moral avec un montage d’images de chats de ferme qui font du bien, prises dans ma banque de photos au fil du temps. Agrandissez pour plus de joie.

Légendes florales du temps des fêtes

Carte de voeux adressée à Dorothy Pellerin (fonds Gabrielle Pellerin BANQ, Rimouski, 8 décembre 1920)

Au Québec, depuis qu’on peut conserver des fleurs dans nos maisons durant l’hiver, certaines ont été associées à la période des fêtes et chacune possède sa propre légende. Par exemple, que ce soit le poinsettia (la fleur de Noël), l’helleborus niger (la rose de Noël) ou l’ornitogalum (l’étoile de Bethléem), celles-ci ont été adoptée grâce à leur floraison coïncidant avec nos festivités. Leurs légendes se sont aussi conjuguées de manière naturelle à la naissance de Jésus à cause de notre culture religieuse catholique omniprésente. En général, pour ces trois plantes, l’histoire orale se résume ainsi.

  1. Un personnage miséreux apprend la naissance du Christ.
  2. Il veut lui apporter un cadeau mais n’a rien de valeur à lui offrir.
  3. Un second personnage près de lui (habituellement un ange) entend sa peine.
  4. Il lui propose de cueillir un plante commune près de lui et de la donner à l’enfant-dieu en expliquant que c’est l’intention du coeur qui compte.
  5. Les gens se moquent du cadeau.
  6. Miracle! La mauvaise herbe se transforme en une fleur merveilleuse.

Il existe une foule de déclinaisons agrémentées de descriptions plus ou moins longues. Le conteur peut facilement créé une atmosphère et ajouter des échanges verbaux, un décor et des détails. Elles se sont racontées de générations en générations et, avec le temps, elles se sont modifiées. Partout où l’histoire de la nativité est importante, soyez assurés qu’elles s’y retrouvent.

En haut à gauche: Poinsettia (fleur de Noël), en bas: helleborus niger (rose de Noël) et à droite: ornitogalum (étoile de Bethléem).

D’autres contes portant sur l’Amaryllis racontent que dans son empressement à annoncer l’arrivée de Jésus, un ange aurait échappé sa trompette du ciel. Arrivée sur terre, elle se serait transformée en jolie fleur en forme de trompette en touchant le sol. Depuis, elle fleurie à l’arrivée de Noël pour souligner ce joyeux événement.

La légende du cactus de Noël quant à lui réfère à la jungle amazonienne, son lieu d’origine. Un enfant désireux de savoir quand arriverait Noël demande un signe à Dieu. Un beau matin, tous les cactus accrochés aux arbres de la jungle fleurirent en même temps; une floraison ressemblant aux cloches de Noël. Je simplifie les histoires à l’extrême par soucis d’espace car elles pourraient remplir des lignes et des lignes.

Aujourd’hui, dans notre société non confessionnelle, tous ces contes ont disparus. Qui s’en souvient? Outre pimenter un blogue comme le mien, il existe bien peu d’occasions de souligner cette partie de notre histoire non matérielle. Peut-être reviendront-ils à la mode un jour sous un autre contexte. Qui sait?

En terminant ma dernière chronique de 2021, je me permets de vous offrir mon propre bouquet de fleurs virtuelles en vous remerciant de votre assiduité. Je vous souhaite une nouvelle année remplie d’abondance. Je vous reviens quelque part au début 2022. Portez-vous bien!

Le haricot Moda

À gauche: Mes haricots « Moda » en 2021 / À droite: Joan Roig-Gener, sauveteur de la variété « Moda » (photo: Louise Proulx).

Mon premier contact avec cette variété remonte au 5 juin 2019 où je reçois un courriel d’une résidente de Sainte-Luce-sur-mer (appelée officiellement Sainte-Luce), une municipalité située dans le Bas-Saint-Laurent au Québec. Elle m’explique cultiver un haricot particulier reçu d’un jardinier de son village, Joan Roig-Gener (1923-2014) et originaire de Vila-seca en Catalogne. Leur lien d’amitié s’est développé au fil des décennies grâce au jardinage et, avec le temps, il est devenu son mentor. Elle ajoute qu’il cultivait une foule de plantes peu traditionnelles dans ce coin du pays comme l’artichaut, la rose de thé, l’aubergine, etc. S’il se révèle généreux de ses connaissances horticoles et de ses légumes, au contraire, il est peu enclin à partager ses semences.

Monsieur Joan Roig-Gener faisant une taille de formation de pommiers plantés en 2003 (Photo: Louise Proulx, 2005)

Par contre, lors d’une visite, alors qu’il s’apprête à fermer l’un de ses derniers potagers, il lui fait cadeau de quelques graines de haricot  dit « Moda »… et de l’histoire qui l’accompagne. De mémoire, il lui révèle qu’il aurait été cultivé en Catalogne par son père Cosme avant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Il lui montre aussi comment choisir les plus belles gousses pour la reproduction. Elle résume :

Monsieur Roig choisissait toujours avec soin les graines qu’il plantait. Je l’ai fait avec lui pour les Coco et les Moda. Il ne gardait que les cosses parfaites, avec 7 graines, les faisait sécher et ne conservait que les plus belles. Ce que je fais maintenant.

Elle regrette aujourd’hui de ne pas lui avoir posé la question: comment ses semences sont-elles parvenues jusqu’au Québec ? 

En effet, ayant déménagé à Sainte-Luce avec sa conjointe, Odette Marchand, dans les années 1970, monsieur Roig-Gener a vécu plusieurs années en France avant d’émigrer à Montréal en 1957. Il correspondait souvent avec des membres de sa famille restés en Catalogne. Il y est même retourné dans les années 1990. Se les a-t-il procurées chez des parents ou amis là-bas ? Les cultivait-il vraiment depuis son arrivée au Canada ? Comment ont-elles pu conserver leur pouvoir de germination ? 

Bref, la question restera sans réponse car l’homme s’est éteint avant de révéler ce secret. C’est ce qui ouvre peut-être la porte à la fameuse légende. Pour des précisions, continuez la lecture.

Image du haut: ancien passeport canadien de Joan Roig-Gener
Image du bas: photo de famille des Roig-Gener. En haut (de gauche à droite): Joan, Laiette, Evidine et Rolando. En bas (de gauche à droite): mère Raimunda et père Cosme. Photo prise dans les années 1940.

Ainsi, vers la fin de sa vie, veuf et sans enfant, il désire retourner vivre en Catalogne. En 2013, son amie luçoise et son conjoint l’aident en le mettant en contact avec le Cercle culturel catalan du Québec où il fait la connaissance d’Èric Viladrich, vice-président de l’organisme. Monsieur Viladrich et un ami le visitent à sa maison de retraite du Bas-du-Fleuve car fascinés par son histoire. Il leur mentionne qu’il a dû fuir son pays natal à l’âge de 16 ans (1939) lors de la guerre civile qu’on nommera dans les livres d’histoire « l’exode des Républicains ». Il leur raconte également les grandes lignes de sa vie. Monsieur Viladrich lui parle notamment du haricot Moda que son amie vient de lui montrer dans son potager. Monsieur Roig leur précise alors qu’il s’agit du « Alta de moda ». À ce moment-là, rien n’éveille leurs soupçons qu’il puisse s’agir d’un cultivar disparu. 

Èrick Viladrich avec une photo du jeune Joan Roig-Gener (photo: Hugo-Sébastien Aubert, La Presse, 2021)

Malheureusement, les complexités bureaucratiques et la santé chancelante de monsieur Roig-Gener rendront son projet de retour en Catalogne impossible. Il meurt l’année suivante avant de le réaliser. L’aventure pourrait se terminer ici. Une fin un peu « pouich » non ? Mais, elle cache une suite.

En effet, dans le but d’éclaircir l’histoire du haricot et rendre hommage à son mentor, l’amie luçoise contacte à nouveau monsieur Viladrich. Après discussions et échanges de courriels avec d’autres membres du Cercle culturel catalan du Québec, ceux-ci prennent conscience qu’il pourrait peut-être s’agir d’un ancien haricot catalan dit « paysan » très cultivé à l’époque, mais disparu depuis 90 ans. Heureusement, en 2015, grâce au savoir-faire de préservation enseigné par son vieil ami, elle pu envoyer à monsieur Viladrich quelques spécimens qui les enverra à son tour en Catalogne au chercheur Jordi Puig Roca. Coordonnateur de l’Espigall et chercheur en sciences de l’environnement aussi spécialisé dans le changement climatique et environnemental global, il valide leur authenticité. Voici justement ici-bas, une traduction du rapport du chercheur écrit en janvier 2017 décrivant en détail les caractéristiques de la plante.


Mongeta alta de moda

La plante est de croissance indéterminée et grimpante. Elle présente un développement initial peu vigoureux. De l’émergence à la floraison il y a 64 jours. Les fleurs possèdent des ailes et des étendards blancs avec des tonalités roses. La graine est elliptique légèrement réniforme pleine et de couleur beige avec un point d’incision marron obscur. Les gousses sont vertes, de section elliptique, avec un fort degré de courbature. La longitude de la gousse est de 22,1 cm. Elle ne présente aucun fil de suture ventrale. La section présente une longitude transversale de 1,4 cm. Elle présente une moyenne de 5,2 graines par gousse. Elle se consomme préférablement tendre.

Variété qui, selon la documentation historique, était très commune à plusieurs points du littoral et prélittoral catalan, mais qui a totalement disparu. 

Au niveau organoleptique, la variété présente un potentiel très élevé puisqu’elle est sucrée, peu fibreuse et de grande taille. Voilà pourquoi on parle d’une variété intéressante à réintroduire dans les circuits commerciaux à échelle locale.

Photos prises de mon jardin en haut (gauche à droite): fleurs, cosses et plant en 2021. En bas: graines fraîches et séchées (image: Louise Proulx).

Devant cette trouvaille, l’organisme s’est attelé en 2021 à la multiplication des semences, pour qu’à la fin de l’année, elles soient distribuées à quelques agriculteurs catalans pour une multiplication à grande échelle. À la fin 2022, l’objectif des responsables sera d’en faire bénéficier le plus grand nombre de gens possible en le réintroduisant dans sa terre d’origine. Anton Montsan, technicien et docteur en microbiologie de l’Espigall, avance l’hypothèse que « … sur le sol canadien, ce haricot devait certainement être plus grand et sa qualité gustative beaucoup plus douce « . Suite à cette déduction, les deux chercheurs se posent la question : le haricot « Alta de moda » doit-il être considéré comme une variété locale de la zone du Québec ou de la zone ibérique ? 

Et la légende dans tout ça? C’est justement le chercheur Jordi Puig Roca qui la propose dans son rapport:

Grâce à la persévérance d’un Catalan exilé (Joan Roig Gener -Vila-seca, Catalogne 1924 / Rimouski, Québec 2014) qui les a reproduits, ces haricots ont été conservés dans sa terre d’adoption, le Québec, où cette variété a été cultivée pendant des décennies jusqu’à son retour en Catalogne, en 2016, pour sa caractérisation.

Peu importe le ou les chemins empruntés par ce haricot, son apprentie considère que, d’une certaine façon, son vieil ami catalan a pu rentrer à la maison et sauver une petite partie de la biodiversité mondiale. Pour ma part, grâce aux semences qu’elle m’a fait parvenir en 2021, j’enverrai un lot à la banque de semences canadiennes afin de contribuer moi aussi à la mémoire de l’homme et pour la sauvegarde de ce patrimoine immatériel.

Aanniversaire de Jean Roig-Gener (2e à partir de la gauche) avec son épouse Odette Marchand (à droite) ainsi que le conjoint (Pierre Laplante) et les enfants (Sévérine et Didier) de Louise Proulx. (Photo: Louise Proulx, +/- 1986).

Pour en savoir davantage sur la vie de Joan Roig-Gener, consultez les articles de La Presse du 8 août 2021, l’Agri du 21 mai 2021 ou encore cette vidéo ici-bas.

Pour les personnes intéressées à cultiver cette variété, j’offrirai en 2022 des semences via le catalogue en ligne GRATUIT de semences patrimoine Canada [nombre de semences très limitées]. Aucune vente personnelle directe. C’est ma manière de contribuer au rayonnement de cet organisme de bienfaisance pour la protection qu’ils en feront. Vous souhaiteriez à votre tour protéger ce cultivar unique ? Contribuez financièrement à sa préservation via leur programme d’adoption. Une adoption complète [au prix de 250 $] permettra de le protéger pour toujours.

Je tiens particulièrement à souligner l’aide de Louise Proulx dans la rédaction de ce texte et pour ses photographies uniques. Comme témoin privilégié et ange-gardienne, je lui suis reconnaissant pour sa patience, son temps et son sens de la justesse pour remettre en place la chronologie des événements. En lisant, vous l’aurez reconnu comme « l’amie ». Avec humilité, elle a tenu à laisser tous les honneurs à la générosité du légume et à celui par qui tout à commencé, Joan Roig-Gerner. Pour la postérité, elle mérite une mention toute spéciale.

REPRODUCTION DES PHOTOGRAPHIES INTERDITE SANS LE CONSENTEMENT DES PERSONNES CONCERNÉES.

Yves Gagnon, semencier et pionnier de la culture biodiversifiée

Je peux me vanter de posséder encore la première version du livre de Yves Gagnon intitulé  « Introduction au jardinage écologique ». Éditée en 1984, on est loin des belles publications modernes avec images et pages glacées mais outre l’aspect visuel, le contenu intéresse davantage.

En effet, déjà il exposait ses observations et expérimentations vécues depuis son adolescence au sujet de la santé du sol et des plantes, la planification du potager, la pratique du jardinage et finalement la conservation des aliments. Il y allait même de commentaires incisifs destinés au monde de l’agroalimentaires et de leurs conséquences sur notre santé et l’environnement. Avant d’écrire sur une personne significative dans le monde de l’horticulture ou de l’agriculture, je m’intéresse au déclic ayant produit l’étincelle qui allait la propulser vers son chemin de vie, sa vocation. La prise de conscience de Yves Gagnon ressemble tellement à celle qu’on vit collectivement aujourd’hui; un visionnaire pour l’époque. Je vous écris un passage de cet éveil tiré de l’ouvrage. L’histoire remonte aux années 1950 après qu’il ait travaillé (des semences à la récolte) dans une ferme de fruits et légumes en Colombie-Britannique pendant 5 saisons. Il fût ainsi un témoin privilégié des changements à venir. Il décrit:


à cette époque, les producteurs n’avaient pas beaucoup de problèmes avec les insectes, l’équilibre écologique était intact et dès que se manifestait une épidémie d’insectes, la plupart du temps, des prédateurs apparaissaient comme par magie, l’enrayant rapidement. Tous les étés, se tissaient des cocons de chenilles dans les branches de certains arbres. La situation n’était jamais dramatique mais le cultivateur devait couper ces branches et les brûler.

Un jour, un agent vendeur de produits chimiques vint voir les cultivateurs et leur proposa de sauver du temps en vaporisant un insecticide dans les arbres pour tuer les chenilles. Comme les cultivateurs devaient passer quatre à cinq jours par été dans les vergers à couper les branches infestées, la proposition de l’agent leur sourit; ils achetèrent le produit suggéré et le vaporisèrent dans leurs vergers. Comme par magie, les chenilles moururent…. ainsi que d’autres insectes … et des oiseaux.

Quelques années passèrent et le scénario se répéta jusqu’à ce qu’une variété d’insectes commence à se développer très rapidement; ces insectes faisaient beaucoup de tort aux nouvelles pousses. Notre agent de produits chimiques revint avec un autre produit qui enraya immédiatement le problème. Le temps passa… et un papillon devint très résistant à ce nouvel insecticide; il abimait les pommes. On dut augmenter les doses de poison et accentuer les fréquences de vaporisation. À cette époque, on commençait déjà à utiliser les engrais chimiques afin d’augmenter la production. Avec les années, comme le sol s’appauvrissait, les arbres s’affaiblirent et devinrent malades.

On introduisit alors les fongicides, puis les herbicides, d’autres insecticides et puis finalement des hormones de tous genres. Aujourd’hui, certains vaporisent leurs vergers plus de 30 fois avec au moins 10 produits différents. Mais les arbres s’en portent-ils mieux? La réponse bien sûr est négative! Les arbres sont tous malades; leurs feuilles sont jaunâtres en plein été; les pommes sont fragiles et les insectes de plus en plus nombreux et résistants. Où cela nous mènera-t-il?


37 ans plus tard… Où cela nous a-t-il mené? Ça ne vous rappelle pas l’histoire récente de l’agronome lanceur d’alertes Louis Robert? Ce qui me renverse dans cette publication consiste aux thèmes qui font encore davantage de sens aujourd’hui tels l’agriculture intensive sur petites surfaces, les amendements, le séchage naturel, la culture biologique, etc. Y’a pas à dire, beaucoup de réponses à nos problèmes agricoles actuels peuvent encore s’inspirer des anciens écrits.

Exemples du contenu du livre de Yves Gagnon  « Introduction au jardinage écologique ».

Vous aimeriez connaître un peu mieux l’homme? Voici ici-bas un reportage du 28 novembre 2020 d’environ 10 minutes à l’émission « La semaine verte ». Vous entendrez les propos de l’un des semenciers québécois précurseur de la sauvegarde du patrimoine génétique et de la culture biodiversifiée au Québec. C’est à lui qu’on doit notamment le sauvetage de la tomate Savignac.

Pour des versions plus récentes de ses oeuvres, consultez son site Internet. Sachez que je n’ai reçu aucun montant d’argent ni faveur pour cette suggestion.

Le fantôme de Miss Willmott

Joyeuse Halloween! Pour cette occasion, je ne pouvais passer à côté de cette anecdote historique.

Miss Ellen Willmott. (Photo: www.bethchatto.co.uk)

En effet, le monde du jardinage se parsème de personnages inusités qui, au fil du temps, ont laissé leurs empreintes. Parmi ces légendes, l’ascension vertigineuse et la descente de Ellen Ann Willmott (1858-1934), une riche héritière anglaise dont la passion dévorante pour les plantes et les aménagements paysagers l’amena, à la fin de sa vie, seule et ruinée.

Aînée d’une famille de classe moyenne supérieure, le père, Frederick Willmott, eut une carrière prospère comme avocat. Ses excellents revenus combinés à l’argent de sa belle-famille lui permis d’acheter en 1875 un domaine à la campagne de 30 acres, auquel il ajoutera 22 acres supplémentaires. L’amour des végétaux et des jardins transpirait chez les Willmott et plus spécifiquement du côté de Ellen. Ensemble, ils replantèrent les vergers et créèrent des parterres de fleurs, un potager, des vignes et des serres. Déjà à 21 ans, Ellen avait eut l’autorisation de gérer la construction d’un vaste jardin alpin. Des jeux d’eau furent incorporés, y compris plusieurs hectares de piscines, cascades et grottes. Durant cette même année, elle reçu un cadeau d’anniversaire de 1 000 £ (environ 25 500$ en dollar canadien d’aujourd’hui) de sa marraine sans enfant, la comtesse Helen Ann Tasker (1823-1888); cadeau qui se répétera au fil des ans jusqu’à la mort d’Helen. Au décès de la comtesse, elle léguera à chacune des sœurs (Ellen et Rose), l’équivalent de 140 000 £ (soit environ 8.5 millions en dollars canadiens d’aujourd’hui). Le coût de la vie n’étant pas le même à cette époque, la valeur de cette somme en 2021 se considérerait facilement au-delà de 225 millions. WOW!

Warley Place… jadis … au temps de Ellen Ann Willmott (photo et date inconnue)

Pour donner un exemple de sa nouvelle richesse, pour marquer son 30e (1890) et son 45e (1905) anniversaire, elle achètera deux propriétés européennes : Le Château de Tresserve, près d’Aix-les-Bains en France (1890) et La Boccanegra à Vintimille (1905), en Italie. À la mort de ses deux parents en 1898, elle héritera aussi de Warley Place et en devient l’unique occupante. À partir de là, elle pu poursuivre sa passion pour les végétaux sans contraintes financières ou familiales.

Ainsi, elle agrandi et développa les jardins de Warley Place en employant près de 104 jardiniers, tous des hommes; les jardinières n’étant pas autorisées. Les plantes furent commandées aux principales pépinières en nombre impressionnant, comme en témoignera 6 000 étiquettes de plantes différentes dans ses jardins recueillies lors de fouilles. Ses propriétés en France et en Italie reçurent un traitement similaire où elle y créera des jardins exotiques adaptés au climat et au terrain. Des sommes impressionnantes ont également été investies dans la décoration et l’ameublement extérieurs. Le mot d’ordre « qualité » et aucune dépense ne fût épargnée. Les jonquilles, l’une de ses premières passions ont été plantées par milliers à sa propriété de Warley Place où elle y cultivera et y multipliera de nombreuses variétés rares. Sa réputation lui valu une nomination au comité de la jonquille de la «  Royal Horticultural Society (RHS)  » de Londres moins d’un an après son adhésion. Elle siégera justement sur de nombreux comités où peu de femmes étaient admises. Dans un monde quasi masculin, elle remportera plusieurs médailles. Elle fût, entre autre, nommée l’une des trois fiduciaires chargées de superviser la création du nouveau site de la RHS à Wisley et l’une des premières femmes botanistes à devenir membre de la Linnean Society. Bien qu’il ne s’agissait pas d’un succès commercial, l’œuvre d’Ellen Ann Willmott, « The Genus Rose », fût largement acclamée.

Malgré cela, sa plus grande réussite personnelle aura peut-être été celle de devenir en 1897 la récipiendaire de la RHS Victoria Medal of Honour. Sa renommée et son cercle de contacts, à la fois horticoles et sociaux, s’accrurent; la royauté et l’aristocratie devinrent des visiteuses fréquentes de Warley Place, et Gertrude Jekyll, paysagiste anglaise reconnue, comptait parmi ses amis proches. Les nombreuses plantes qui portent son nom ou l’appellation Warley Place (willmottiae ou warleyensis) témoignent de son envergure pour l’époque. Bon nombre de jardiniers connaissent l’Eryngium giganteum biennal, souvent connu sous le nom de « Miss Willmott’s Ghost » ou « le fantôme de Madame Willmott ». Selon les écrits, préférant les jardins de style naturaliste, elle n’hésitait pas à laisser tomber quelques graines dans les jardins quelle jugeait trop formels. On explique qu’elle conservait toujours quelques semences de ce panicaut (E. giganteum) dans ses poches. Plante robuste, elle pousse sans grande attention et domine toutes les autres. Elle créait ainsi une certaine confusion dans l’aménagement tout en assurant une signature singulière de la part de la visiteuse. En voyant cette plante pousser dans leur parterre, les gens savaient que Miss Willmott avait laissé sa carte de visite.

(En haut): Illustration du E. giganteum dans la revue The Garden du 5 Novembre1887. (En bas): le panicaut Eryngium giganteum ou appelé Miss Willmott’s Ghost.

Toutefois, comme ce panicaut se ressemait chaque année et cela, longtemps même après le décès de la dame, on a commencé à l’appeler «Miss Willmott’s ghost»: le fantôme de Miss Willmott.

Évidemment, un tel train de vie devait tôt ou tard la rattraper. Malgré les conseils bien intentionnés de son entourage pour la raisonner, elle refusa de reconnaître son problème d’argent. Lorsque ses dettes devinrent incontrôlables, elle accepta des mesures pour redresser la situation. Le personnel fût licencié, les objets de valeur cédés et ses propriétés de France et d’Italie vendues. Malgré ces revers, elle travailla sans relâche pour entretenir les jardins de Warley où elle y vécut jusqu’à sa mort, seule, à l’âge de 76 ans. Warley Place et le contenu restant furent vendus pour payer ses dettes. La propriété a ensuite été démolie et les jardins sont maintenant devenus une réserve naturelle gérée par l’Essex Wildlife Trust.

Warley Place jadis (en haut) et les ruines visibles de nos jours, parmi les digitales (photo: http://www.hardy-plant.org.uk)

Il subsiste encore quelques héritages botaniques d’Ellen a Warley Place, Tresserve et Boccanegra, mais aussi au Château Spetchley près de Worcester, notamment une impressionnante collection de jonquilles. Une autre caractéristique majeure encore visible, sans aucun doute inspirée de la collaboration entre les deux sœurs (Rose et Ellen), consiste aux grands lits-fontaines; quatre « salles » symétriques bordées de haies d’ifs s’alignant autour d’une fontaine.

On sait par contre que de nombreuses plantes ont été introduites à Warley Place dû aux belles vieilles étiquettes à pointes en métal coulé encore parfois déterrées dans les parterres de fleurs. Contre le mur du potager à la frontière sud, et donnant sur les lits de la fontaine, se dresse un petit temple dorique, adapté par Ellen pour commémorer la vie de sa sœur, Rose, décédée en 1922, à l’âge de 60 ans. Gravées autour de la frise, inaperçues de nombreux visiteurs, se trouve les lignes suivantes, tirées du Rubaiyat d’Omar Khayyam (en anglais):

How oft hereafter in this same garden rising
The moon of Heaven is rising once again
Shall she look after me in?

Traduction libre:

La lune céleste se lève à nouveau. Combien de fois dans ce même jardin qui se lève, prendra-t-elle soin de moi en vain ?

Un hommage à une sœur perdue et une collègue jardinière.

Ellen (à gauche) et Rose (à droite) prenant le thé devant la « Root House » à Spetchley (photo: http://www.hardy-plant.org.uk)

Pour en savoir davantage sur cette femme unique, lisez:  « Miss Willmott of Warley Place: Her Life and Her Gardens » (en version anglaise seulement). Quant à une description plus complète de cette plante-héritage, consulter le site du jardinier paresseux.

IMPORTANT: Aux travers de mes recherches, de nombreuses sources se contredisent concernant les dates, les montants d’argent et les relations avec Ellen Ann Willmott. Je ne peux donc pas certifier avec exactitude tous les faits publiés. Je vous suggère une recherche beaucoup plus approfondie si jamais vous songiez à me citer. Ça laisse planer encore davantage le mystère autour de cette femme.

Carte postale d’octobre 2021

Une famille de l’île d’Orléans en 1948 (photo: Omer Beaudoin)

Lorsqu’on y pense, outre l’école et le compagnonnage, les moyens de transmission de la connaissance ont considérablement évolué depuis le début de l’humanité. Que ce soit par le bouche-à-oreille de génération en génération et  souvent de père/mère en fils/fille ou par les livres, aujourd’hui, on utilise beaucoup Internet. Quel outil! Combien d’heures de recherche je me suis tapé dans de vieilles bibliothèques poussiéreuses, des fonds d’archives de sociétés d’histoire, des greniers de particuliers ou via des appels téléphoniques infructueux. Aujourd’hui, du bout du doigt, on peut accéder à une quantité phénoménale de renseignements et entrer en contact avec à peu près n’importe qui. Je n’en reviens pas encore. Arrive au 21e siècle me direz-vous.

Pourtant, avec du recul, ça ne fait pas si longtemps mais ça s’est inséré dans nos vies comme si de rien n’était. Pfiou! Ainsi, parmi les nombreux nouveaux outils à notre disposition, il existe entre autre des communautés québécoises de partage Facebook gravitant autour du thème du jardinage. Certaines plus pointues, d’autres plus généralistes, il n’en demeure pas moins qu’elles recèlent des trésors de connaissances, d’opportunités, d’auto-formation, de rencontres virtuelles (peut-être même en vraie) voire de plaisirs quasi infinis. Tout ça gratuit. J’en cite quelques exemples ici-bas. Bon nombre de « bonnes âmes » sur ces réseaux sont prêtes à échanger, éduquer, conseiller, éveiller votre intérêt. Juste à demander ou à offrir. Le potager s’endormira bientôt et ce sera à nouveau, pour le jardinier, le moment de s’auto-instruire.


Une pièce de vêtement essentielle du potager d’antan: le tablier

Les plus âgés-es se souviendront sûrement du fameux tablier de leurs grand-mères. L’expression « se cacher dans la jupe de sa mère » tire justement son origine des enfants timides cherchant à s’y réfugier pour ne pas se faire voir des visiteurs. En raison de leur peu de vêtements de rechange, cette pièce de linge s’est avérée non seulement indispensable pour les protéger contre la saleté mais aussi pour les assister dans une foule de travaux, y compris ceux au champ et au potager. Fabriqué en coton, un tissus plus facile à nettoyer, il évitait une corvée de lavage d’une blouse, une jupe ou une robe conçue avec un autre textile. Dans notre coin gaulois francophone d’Amérique de nord, ce sont surtout les femmes qui l’ont porté depuis le début de la colonie et ce, jusqu’au milieu du 20e siècle.

Représentation illustrée de travaux au champ des premiers colons français en Acadie

Ses racines européennes exactes sont mal définies mais lorsqu’on remonte jusqu’au moyen-âge, c’était un essentiel de la garde-robe. L’esthétique passait au second plan. Fabriqué ample et en lin, tout le monde le portait y compris les hommes. À travers les âges, selon sa composition, son look et sa fonction, il fût le reflet de la société et à partir du XIXe siècle, on pouvait même détecter votre classe sociale juste par son aspect. Par exemple, il fût et est encore de nos jours, un symbole hiérarchique d’appartenance aux Franc-maçons (apprenti jusqu’au grand maître). Au Québec du XIXe siècle, on le retrouvera porté par la majorité des domestiques (aussi appelées  « bonne à tout faire ») et des femmes au foyer. Que ce soit cuisine, lessive, ménage, repassage, allumage du poêle ou cirage des chaussures, il convient à toutes les tâches.

Domestique et un chien vers 1913 (photo: collection Monique Mercure-Vézina, Bibliothèque et Archives Nationales du Québec)

Ainsi, avant l’invention des « mitaines de fourneau », mis-à-part sa fonction de gant pour sortir un plat mijoté brûlant du fourneau, essuyer les chagrins des enfants, les frimousses sales, transporter les oeufs du poulailler, s’éponger le front, se protéger du temps frais en le plaçant sur les épaules, ranimer le feu à la manière d’un soufflet, signaler aux  « hommes au champ » que le repas était prêt en l’agitant ou nettoyer un comptoir à la va-vite devant un visiteur improviste, il convenait aussi parfaitement aux travaux légers de la terre. Souvenez-vous, ce sont en grande partie les femmes qui s’occupaient du potager.

De fait, il devenait un allié parfait pour transporter le bois sec pour la cuisinière, les patates ou les pommes tombées par terre. Sinon, il transportait à ravir les très nombreux légumes allant des petits pois jusqu’aux choux.

En haut: Madame Conrad Perrault travaillant dans le potager à Notre-Dame-du-Nord, comté Témiscamingue. En bas à gauche: Madame Adrien Allard dans son jardin à Saint-Alexis, comté de Montcalm. En bas à droite: Madame Sylvio Doire dans son potager à Lorrainville, comté Témiscamingue. Photos: Omer Beaudoin en 1953. À l’époque, les femmes portaient le nom de leur mari.

Dès la fin du XIXe siècle jusqu’au début du XXe, il change d’aspect. L’esthétique entre en jeu. On voit apparaitre des broderies, dentelles ainsi que des tissus de qualité pour en faire un vêtement d’apparat. On fait ici une distinction entre le tablier de tous les jours versus celui du dimanche. De gros changements surviennent à partir des années 1960. La société change à vitesse grand V. Terminé le tablier des  « domestiques ». Il devient le symbole de la ménagère de la classe moyenne. 

Tabliers tissés pour publication en 1950 (photo: Omer Beaudoin)
Tabliers tissés pour publication en 1950 (photo: Omer Beaudoin)

Par la suite, l’apparition des électroménagers, la révolution sexuelle et la présence de plus en plus grande des femmes sur le marché du travail le relègue à un symbole anti-féministe et graduellement, il disparait. Car, faut l’avouer, même si on le retrouve encore en restauration, auprès des forgerons, jardiniers, artistes-peintres, sa dimension se limite très souvent à se protéger (chaleur, saleté, éléments projetés, etc.) et une fois terminé, fiou! on l’enlève. Malgré la forte remontée de l’intérêt de la cuisine auprès de la population, il demeure vieillot et personne ne semble intéressé à le reprendre dans sa version ancienne. Malgré les bons souvenirs qu’il évoque dans nos séries télévisées qui recréent notre passé, il se fait bouder par les jeunes car disons-le…. il n’est pas très tendance.

Monique Aubry et Nicole Leblanc (à droite) dans le téléroman « Le temps d’une paix » diffusé entre 1980 et 1986 (Photo: Radio-Canada/André Le Coz)

Pour les nostalgiques, sachez qu’il existe une version du tablier en coton offerte par « Quelle histoire! », une entreprise québécoise. Avec différents thèmes imprimés, elle offre une collection de linges de maison née de la passion de sa propriétaire pour l’histoire fascinante des races et des semences patrimoniales du Québec et celle de nos emblèmes culinaires

Carte postale de septembre 2021

Champ de pommes de terre, père de Saint-Francois Régis, Péribonka, Lac Saint-Jean au Quebec vers 1906 (source: Wm. Notman & Son)

Au Québec, l’expression  « être dans les patates » fait référence à quelqu’un qui se trompe. La formule  « être dans le champs » signifie exactement la même chose. On commence à entendre ces deux tournures de phrases au début de l’avènement de l’automobile. Comme aucune route n’était asphaltée et encore moins signalisée au sol, vous comprendrez qu’il devenait parfois difficile de distinguer où rouler. Dans certaines régions, le seul moyen de repères consistait à suivre les traces de la voiture précédente. Lorsque cette route passait à travers un champ et, par temps de pluie, un conducteur distrait pouvait facilement se retrouver à rouler… dans un champ de culture ou… un champ de patates.

Les cloches de jardin

Cloches et paillassons, Bobigny (France) date inconnue

L’automne sonne à nos portes et ça m’amène à vous entretenir d’une technique ancestrale pour allonger la saison de culture. Encore utilisées de nos jours par les jardiniers amateurs, surtout européens, il n’y a malheureusement aucun historique concernant les cloches de jardin en agriculture au Québec ou pas que je connaisse. Laissez-moi vos commentaires si je me trompe.

Inventées en France depuis le début du 17e siècle grâce à l’apparition des premières usines de verre, elles ont influencé nos fameuses couches chaudes, tièdes et froides dans notre belle province. Fabriquées par milliers, leurs principaux inconvénients consistaient à l’espace de stockage exigé, la manipulation importante, leur lourdeur, fragilité et évidemment le coût. Anciennement, le verre coûtait très cher à importer. Seuls les artisans arrivaient à reproduire ces formes élégantes et la production à la chaîne n’a jamais fonctionné faute de réels processus de fabrication fiables. Le transport des vitres se faisait par bateaux à l’intérieur de tonneaux remplis de mélasse; celle-ci faisant office de matière anti-choc et anti-grafignure. Une fois arrivées à bon port, on nettoyait les vitres et on récupérerait la mélasse. On faisait ainsi d’une pierre deux coups. Ingénieux! Ce processus n’était pas possible pour ces jolis objets à moins d’un emballage adéquat. Cela en faisait donc des objets de luxe pour nos ancêtres.

Cloche de verre pour melon du 19e siècle (image: proantic.com)

De notre côté de l’Atlantique, la couche chaude avec châssis doubles a eu préséance car plus économique. Le verre plat, comparé aux cloches courbes en verre épais coûtaient bien moins cher à importer et il s’incorporait aux châssis en bois (comme on le voit ici-bas). Dans nos contrées québécoises où les températures hivernales et printanières froides n’avaient quasi aucune commune mesure comparée à celles de nos cousins français, les ballots de foin très épais ceinturaient ces fenêtres versus les paillassons de brindilles utilisées par les européens. Ces paillassons pouvant aussi se dérouler et s’installer par dessus les cloches par temps très ensoleillé pour éviter les plants de cuire. Cette technique de couche chaude pour démarrer les semis plus tôt fût celle qu’on adopta ici jusqu’à leur électrification dans les années 1940.

Source: agro-conseil-carnavalet.eu

Source et date inconnues

Cette méthode de culture sous cloche sert donc à protéger les plants contre les intempéries et les ravageurs. Leur format curvé permet une pénétration maximale des rayons du soleil. Cela agit comme des mini-serres et favorise un développement accéléré des jeunes plants. Leur utilisation en début de printemps ou à la fin de l’automne est idéal pour protéger les semis ou étire la saison de culture de plusieurs semaines.

Pour un look historique dans nos potagers modernes.

Au printemps, si l’envie vous titille d’en installer quelques-unes dans votre potager, faites une marque au sol avec votre cloche. Planter votre jeune plant au centre. Déposer des cales par terre sous la cloche pour laisser l’air passer. Un manque de circulation d’air pourrait amener l’apparition de champignons et différents pathogènes pour les plantes. Par temps très ensoleillé, retirer les cloches pour ne pas brûler vos plants. Lorsque le temps se réchauffe à la fin du printemps, retirez-les définitivement. Les semis seront alors suffisamment vigoureux pour se développer de manière saine.

Source: agro-conseil-carnavalet.eu

À l’inverse, à l’automne, placer les cloches sur les cultures tardives. Cela prolongera la durée de production de plusieurs semaines. Laver les cloches à l’eau savonneuse à chaque changement de saison pour éviter la propagation de maladies d’une culture à l’autre.

Si vous en cherchez et je ici m’adresse aux gens du Québec, visitez les magasins (en kiosque ou en virtuel) qui vendent des produits de cuisine ou de décoration. Curieusement, elles se sont recyclées en « cloches à fromage » ou  « cloches à pâtisseries ».

Source: potagers.forumactif.com

Saviez-vous qu’il existait une version intérieure de la cloche de jardin? Inventée en Grande-Bretagne par Nathaniel Bagshaw Ward (1791-1868), elle se distingue par son appellation « cage de verre » et d’une ouverture sur le dessus laissant circuler l’air. Ce médecin et collectionneur anglais a accidentellement découvert que les plantes, en particulier les fougères, poussaient et s’épanouissaient avec vigueur dans des boîtes en verre presque hermétiques (ou, comme il les appelait, « étroitement vitrées »). Jusque-là, ses fougères avaient résisté à la culture à l’intérieur, surtout à cause l’air vicié de Londres. En 1833, un ami de Ward emporta plusieurs  « boîtes en verre » de Ward en Australie lors d’une expédition de collecte de plantes. Il découvrit que 95 % de ses spécimens avaient survécu au voyage de retour; là où leur taux de survie avoisinait 5 % jadis. Ward écrit plusieurs articles sur sa découverte, puis en 1842, il rédigea un petit livre intitulé : On the Growth of Plants in Closely Glazed Cases. Cette découverte lança la culture sous verre pour la riche bourgeoisie.

À gauche: Portrait de Nathaniel Ward par Richard James Lane, lithographie, 1859 (source: National Portrait Gallery, Londres). À droite: Trois exemples de cloches intérieures illustrés par J. R. Mollison, The New Practical Window Gardener, 1877 (source: Linda Hall Library).