Il est là sous mes yeux, dans mon potager, dès ma première visite. Il m’attendait depuis l’automne dernier. Il me nargue en pointant le bout de sa tige et en me renvoyant mon impuissance à me débarrasser de lui. Qui? Le chiendent (triticum repens L) ou couch grass (en anglais). Je sais le combat perdu d’avance mais je ne me lasse pas de m’acharner sur cette vivace indigène, me défouler, la maudire. En 1906, le Ministère de l’Agriculture du Canada a édité un ouvrage de vulgarisation intitulé « les mauvaises herbes du Canada » dans lequel on pouvait y lire :
Mauvaise herbe des plus persistantes dans toutes les terres labourées profondément et dans toutes les cultures, avec une grande capacité à se propager et d’étouffer les autres plantes.
En effet, ses rhizomes charnus s´entrevechent et s’étendent loin, loin, loin. On dirait quelquefois qu’ils n’ont pas de fin mais heureusement, ceux-ci demeurent près du sol. Pour la production du foin, c’est merveilleux. Y’a rien à faire sinon couper deux fois par année. Il s’installe partout sur les terre inculte et possède une grande capacité d’absorbtion des nutriments du sol et dominer son territoire. C’est justement parce qu’il bouffe jusqu’à 68% des oligo-éléments des plantes comestibles qu’on doit l’enlever. Mais comment s’en débarrassait-on de manière naturelle à l’époque?
De fait, en utilisant des techniques avant l’apparition des herbicides, on parvient à les appliquer aujourd’hui dans une lutte écologique. En premier lieu, on laboure peu profondément par temps très chaud. Ensuite, racler pour entraîner une grande quantité de rhizomes vers la surface. Ceux-ci se dessècheront au soleil et vous pourrez les brûler. Mais attention, les racines divisées, si elles ne sont pas complètement déterrées, peuvent former à chaque tronçon une nouvelle plante. Et on se voit alors envahi à nouveau en peu de temps. Et la petite « vlimeuse » (expression québécoise pour dire ratoureuse) possède plus d’un tour pour se multiplier. Les graines constituent pour lui un autre moyen efficace de reproduction. Mûres en juillet et de la forme d’un petit grain de blé, l’épis produit en grande quantité. Elles tomberont au sol en automne et germeront pour notre plus grand déplaisir; surtout aux endroits difficiles d’accès. La plante joue à cache-cache avec moi en s’enroulant un peu partout autour de mes poteaux de clôture et près des fondations des bâtiments.
Bref, si vous n’en venez pas à bout et voyez l’infestation gagner, sortez l’artillerie biologique lourde. Labourer superficiellement tard en automne et bien gratter pour exposer les rhizomes à l’action de la gelée. Au printemps, on laboure de nouveau superficiellement et maintien le sol travaillé assez souvent pour empêcher les nouvelles pousses jusqu’au milieu de l’été. Puis, on sème une culture étouffante comme du sarrasin ou du millet, qui feront périr la plante affaiblie. Il y a de fortes chances pour que le sarrasin n’arrive pas à maturité. La coupe créera un tapis tellement opaque qu’il rendra inaccessible la lumière nécessaire à la germination de cette ou des autres mauvaises herbes. Enfouisser le tout à l’aide d’un rotoculteur pour ajouter de la matière organique. Et voilà, d’une pierre deux coups. On alimente le sol et on se débarrasse de l’indésirable.