Femme algonquienne récoltant de l’eau d’érable (image: gwentuinman.com, date inconnue)
En langue algonquienne, le mot « Sinzibuckwud » identifie le « sirop d’érable ». La traduction littérale nous amène davantage à l’expression: « tiré de l’arbre ». Au début du 16e siècle, les Premières Nations partagent leur processus de fabrication du sirop d’érable avec les Européens. En 1521, Peter Martyr (1457-1526), historien italien, écrivit que:
…le miel se trouve dans l’arbre et est cueilli parmi la bruyère et les ronces.
Parmi le peuple iroquoien, l’une des nations autochtones les plus importantes en Amérique du Nord, les lignées matrilinéaires dictent les zones des érablières à sucre. La responsabilité de la collecte et du traitement de la sève incombe donc aux femmes. Chaque cheffe de famille possède sa propre loge ou « cabane à sucre » dans son bosquet ou près de son habitation. La sève d’érable coule du premier dégel printanier jusqu’à la mi-mars ou avril, soit jusqu’au moment où les bourgeons se transforment en feuilles. Environ 40 gallons (180 litres) de sève doivent être recueillis pour faire un gallon (environ 4.5 litres) de sirop; l’équivalent de 640 tasses de sève pour 16 tasses de sirop. Lorsque la sève coule à un débit constant, un arbre peut produire jusqu’à 2 gallons (9 litres) toutes les 24 heures. La sève se collecte à chaque jour et on l’amène au camp pour être bouillie.
Femmes préparant des récipients en écorce de bouleau (image: Musée du Minnesota)
Des rouleaux d’écorce de bouleau ont été pelés des arbres au début du printemps et façonnés en de larges récipients de stockage peu profonds mesurant 7 à 10 pouces (18 à 25 cm) de large, 20 pouces (50 cm) de long et environ 8 pouces (20 cm) de profondeur. Les coutures sont cousues avec de minces brins tirés de racines d’épinette ou de tilleuls et scellées avec de la poix de pin. Une femme conçoit de 1 200 à 1 500 conteneurs de ce type, dont chacun sera rempli d’innombrables fois au cours de la saison.
Les seaux à sève sont conçus de manière similaire avec l’ajout d’une fine bande de bois autour du rebord du seau pour éviter les déchirures. Une poignée de corde est ajoutée aux seaux afin qu’ils puissent être suspendus à l’une ou l’autre extrémité d’un joug aidant pour le transport sur les épaules. La capacité du godet était de 1 à 2 gallons (4,5 à 9 litres).
Roseau entaillé
Des entailles dans le tronc de l’arbre dans laquelle on insère un bardeau ou un roseau permet à la sève de couler dans le seau d’écorce de bouleau. La sève, claire comme de l’eau, possède une teneur en sucre de 2 à 3%. La douceur, à peine détectable, n’a aucune saveur d’érable à ce stade. La sève récoltée se transverse ensuite dans un récipient fabriqué à partir d’une bûche évidée. On comprendra qu’à cette époque, les chaudrons en fer n’existe pas. On utilise davantage des pots en terre cuite. Des pierres chauffées sont placées dans la sève pour l’amener à une ébullition lente et constante. Cette manière de cuisiner avec des pierres a été documentée dès 1555. On ajoute davantage de sève au fur et à mesure que l’eau bouille. On prend soin de ne pas ajouter trop de sève, car si elle déborde, le feu s’éteint et des heures de vigilance se verraient gaspillées.
Une fois l’eau de la sève bouillie, le sirop d’érable contient généralement 66% de sucre. Si la sève bouillait trop longtemps, il y avait un risque de la brûler en raison de la forte teneur en sucre. Si la teneur en sucre est trop faible, le sirop est plus susceptible de se gâter. Si la teneur en sucre est trop élevée, le sirop peut cristalliser lorsqu’il est conservé sous forme liquide. Ces pourcentages demeurent encore pertinents aujourd’hui.
Femme ojibwée récoltant un érable à sucre (image: Roland Reed, 1908) Bibliothèque du congrès des États-Unis (cph.3c05740)
Par ailleurs, si l’eau d’érable est laissée dehors toute la nuit dans des bols peu profonds, l’eau non sucrée remonte à la surface et gèle, concentrant davantage la sève. La couche de glace s’enlève le matin avant l’ébullition, réduisant ainsi le temps de traitement au-dessus du feu. Les peuples des Premières Nations conservent le sirop d’érable sous trois formes: en gâteaux au sucre, granulés ou en tire. Lorsque la majeure partie de l’eau s’évapore, le sirop se verse dans des « mokuks », des boîtes bien ajustées faites de panneaux d’écorce de bouleau cousus avec de fines bandes d’écorce d’orme. À l’intérieur des mokuks, le sirop se cristallise et forme des gâteaux de sucre pesant chacun de 20 à 30 livres (9 à 13.5 kg environ). Les mokuks remplis de sucre représentent une part importante du commerce des Premières Nations. Les gâteaux râpés en granules se stockent dans des poches plus facilement transportable et surtout se divisant mieux selon les usages voulus. Par exemple, pour une petite douceur à un plat, juste besoin d’ajouter quelques morceaux de sucre à l’eau.
De plus, lorsque réchauffé, le sirop pouvait se verser sur de la neige fraîche et, en quelques minutes, il se transformait en une consistance semblable au caramel, idéal aussi pour le stockage. Les gens célébraient ce moment de l’année en l’associant au mois du sucre ou à la lune de l’érable.
Technique autochtone utilisant des barils en métal (image: chroniquesbeauceronnes.wordpress.com)
Pour lire la suite… c’est-à-dire connaître la manière dont les canadiens-français ont modifié la technique des premières nations pour celle s’apparentant aux méthodes qu’on connaît aujourd’hui, je vous invite à lire mon ancien article de mars 2019.
Produit fini d’herbes salées acadiennes (photo: Norbert Robichaud)
Avec l’objectif de faire reconnaître les herbes salées, un mets traditionnel acadien en disparition, auprès de Slow Food Canada, un organisme faisant la promotion du patrimoine agroalimentaire, Monsieur Norbert Robichaud m’a envoyé une description de la manière qu’elles étaient apprêtées à l’époque avec les légumes d’antan. Comme moi, Monsieur Robichaud se veut un fervent protecteur des variétés ancestrales et il tente lui aussi de faire connaître celles de son coin de pays, le Nouveau-Brunswick. Nos deux provinces étant intimement liées, il y a de fortes chances pour qu’elles aient été cultivé de part et d’autre; d’où mon double plaisir à lui donner l’opportunité, via cette vitrine, d’atteindre son but.
En effet, la cuisine ancestrale s’associe intimement aux anciennes variétés de fruits et légumes. En délaissant la culture de ces plantes, on perd aussi ces saveurs. Selon lui:
Les herbes salées sont un incontournable de la cuisine acadienne et leur présence est attestée historiquement dans les provinces maritimes au Canada. Historiquement, ce produit était présent partout où les Acadiens se sont installés, mais il est en forte régression depuis le 20e siècle et menacé de disparition sur l’ensemble de son territoire.
De fait, la déportation des acadiens survenue dans la seconde moitié du 18e siècle, en a amené une partie à s’installer au Québec où cette recette s’est vite intégrée dans la tradition culinaire de la province. Avec sa permission, textes et photos à l’appui, j’ai voulu vous transmettre ce savoir (son savoir) et l’histoire s’y rattachant. Je l’en remercie infiniment. Bonne lecture!
À NOTER: Monsieur Robichaud écrit le mot « ognon » en utilisant la nouvelle orthographie française.
LES HERBES SALÉES, HISTOIRE ET TRADITION
Ognons à patates (Allium agregatum) dans le jardin 2017 (photo: Norbert Robichaud)
Les Acadiens cultivaient peu de fines herbes ou de condiments. Les deux plus importants étaient la sarriette et les herbes salées. Ces « herbes salées », contrairement à ce que leur nom pourrait laisser supposer, ne sont pas des fines herbes à proprement parler, mais les tiges vertes de plantes de la famille de l’ognon. La coutume de saler des ognons est répandue dans les communautés acadiennes des provinces maritimes. Dans la région de Nigâwêk (Neguac) au Nouveau-Brunswick, trois espèces d’allium ont été utilisées à cette fin soit la ciboulette (Allium schoenoprasum), les poureaux (Allium fistulosum) et les ognons à patates (Allium agregatum). Certains produits sont commercialisés sous le nom d’ « herbes salés », mais sont un mélanges d’oignons de fines herbes, et parfois de légumes; le présent texte s’attardera aux trois espèces mentionnées ci-dessus, car il s’agit du produit traditionnel acadien.
Une de mes voisines, Mlle Amanda Robichaud, me racontait que sa famille salait de la ciboulette qu’ils utilisaient ensuite pour assaisonner la nourriture. Ils en cultivaient plusieurs carrés qu’ils tondaient régulièrement au cours de l’été, jusqu’à ce qu’ils aient accumulé la quantité dont ils avaient besoin pour passer l’année. Il s’agit la première plante qu’ils aient utilisée pour faire des herbes salées. Ils la désignaient sous le nom d’« ognons à raser » en raison du mode de récolte qui consistait à « raser » la totalité des tiges qui repoussaient continuellement. Je me souviens clairement qu’ils avaient conservé une petite touffe de ciboulette en souvenir, au coin de la maison. Amanda me disait également connaître des gens de la région de Caraquet qui salaient de la ciboulette et qu’ils salaient non seulement les tiges vertes, mais également les tiges florales avec leur petit bouton violet.
Augustine Robichaud en train de préparer les ognons (photo: Norbert Robichaud)
Ils ont cultivé la ciboulette pendant de nombreuses années puis ont abandonné cette espèce au profit de l’ognon à patates, qu’ils appelaient « échalote ». Contrairement à la ciboulette qui est vivace, l’ognon à patates était récolté à chaque automne et ressemé au printemps. Ce petit ognon peut passer l’hiver au jardin les années où la température n’est pas trop froide, mais il a toujours été cultivé comme plante annuelle. La famille d’Amanda a remplacé la ciboulette par l’ognon à patate à cause de sa production accrue et sa facilité de culture. Alors que les carrées de ciboulettes étaient régulièrement envahis par les mauvaises herbes, l’ognon à patates était replanté à chaque printemps dans le jardin avec les légumes.
Norbert Robichaud en train de préparer les ognons sous la supervision du chien Benny 2017 (photo: Norbert Robichaud)
L’ognon à patate est une variété très ancienne et traditionnelle qui est connu entre autres au Nouveau-Brunswick et au Québec. Il date probablement des débuts du régime français; il est même commercialisé. J’ai acheté des bulbes du commerce, mais toutes les tiges sont montées à graine, et il a été impossible d’en faire des herbes salées. Je suis revenu aux ognons d’Amanda. La variété que je cultive se divise en beaucoup plus de tiges que celle que je m’étais procuré dans le commerce. Un bulbe donne facilement de dix à 15 tiges. Mon record est de 20, mais je n’ai réussi cet exploit qu’à une ou deux occasions. L’ognon à patate ressemble à l’échalote française sauf qu’il est rond plus petit. Chaque tige donne plusieurs feuilles semblables à celle de l’ognon, mais plus fines et d’une saveur plus forte. Amanda m’a confirmé qu’ils utilisaient également les plus gros bulbes l’hiver dans la préparation des aliments au même titre que l’ognon. Pour faire les herbes salées, ils prenaient les tiges en pleine croissance lorsqu’elles sont encore bien verte et tendres. Une partie de la récolte est laissée sur place, les ognons à la base des tiges grossissent et les feuilles finissent par jaunir et sécher : c’est le mûrissement. Il reste alors au jardin de petites touffes d’oignons dont les plus gros atteignent la grosseur d’une balle de golf. Ce sont ces ognons mûrs qui servent de semence l’année suivante.
Augustine et Norbert Robichaud 2017 (photo: Norbert Robichaud)
Amanda me confiait qu’elle aimait bien attendre un peu que les petits ognons se développent pour faire ses herbes salées. Le produit contenait alors des tiges bien vertes et de petits morceaux d’oignon blanc qui font un joli contraste et qui apportent de la saveur. Sa sœur, qui habitait avec elle, ne voulait utiliser que les tiges biens vertes, car elles donnaient un produit uniforme. Il y avait toujours une certaine négociation entre les deux sœurs sur ce sujet, lorsque venait le temps de saler les ognons.
Ognons patates prêts à être coupés en longueur 2017 (photo: Norbert Robichaud)
D’aussi loin que je me souvienne, Amanda nous fournissait en semences d’ognons à patates et elle en fournissait également à quelques autres familles. Elle nous vendait deux dollars un petit sac de papier qui contenait un peu moins d’un litre d’ognon de semences. Comme j’étais curieux sur la façon dont elle procédait, elle m’a expliqué comment elle laissait certains bulbes mûrir au jardin pour faire la semence de l’année suivante. La plupart des gens ne se donnaient pas cette peine et achetaient leur semence d’Amanda à chaque année. Ceci illustre bien les petits réseaux de production et distribution des semences traditionnelles. Plus tard, j’ai commencé à mon tour à produire mes propres semences et c’est ainsi que j’en suis venu à conserver ce cultivar local.
Coupe des ognons en longueur #1 (photo: Norbert Robichaud)
La troisième espèce de plantes qui servaient à faire des herbes salées est le poureau. Il s’agit du nom acadien de la plante connue sous le nom de « ciboule » en français. Le poureau, à ne pas confondre avec le « poireau » (Allium porum) est une variété d’ognon vivace ne produisant pas de bulbe. Les tiges vertes sont surmontées d’inflorescences blanches au printemps. On coupe les tiges et on les sale comme les ognons à patates et la ciboulette. Les tiges récoltées sont remplacés par d’autres et on peut ainsi faire plus d’une récolte dans l’été. Plusieurs familles utilisaient les poureaux pour faire leurs herbes salées. J’ai reçu les miens de Suzanne Lebreton d’Alainville qui les cultive toujours. Plusieurs autres personnes de la région m’ont confirmé qu’ils avaient cultivé cette espèce aux mêmes fins.
Coupe des ognons en longueur #2 (photo: Norbert Robichaud)
Ces variétés de plantes du même genre que l’ognon (Allium cepa), toutes à multiplication végétative, sont passées de mode au courant du 20e siècle. On peut se demander pourquoi. Ma théorie, est que l’ognon est une plante difficile à cultiver au Canada, car il s’agit d’une bisannuelle qui demande une saison de croissance assez longue, surtout la première année. Le semis d’ognon demande une centaine de jours de croissance pour former son bulbe et il faut des jours longs pour que le bulbe se développe. Passé une certaine date, le bulbe ne se formera pas. La plupart du temps, dans nos régions, on ne réussit qu’à récolter un ognonnet la première année, ce qui étale le cycle de production sur trois ans. Première année : semis et récolte des ognonnets. Deuxième année : plantation des ognonnets et récolte de gros ognons. Troisième année : plantation d’ognons matures, floraison et récolte des semences. Jamais aucun de mes informateurs ne m’a parlé d’un tel cycle, ni même du fait de semer des graines d’ognons. Or, il est absolument impossible de multiplier l’ognon végétativement : il faut impérativement le semer. Comme les anciens produisaient eux-mêmes leur nourriture et leurs semences, cela me porte à croire que l’ognon est une plante relativement récente dans nos jardins et qu’elle y serait apparue au début du 20e siècle, à l’époque où l’habitude d’acheter les semences s’est répandue.
Tassage des rangs d’ognons et de sel (photo: Norbert Robichaud)
Les témoignages sur l’utilisation des poureaux et de l’ognon à patates, plus rarement la ciboulette, ne manquent pas, cependant. Ma grand-mère maternelle, au Fairisle, salait l’ognon à patates. Au début, elle salait l’ognon en entier avec son chaume après l’avoir paré (enlevé les racines, les feuilles abimées et les pelures sèches) et lavé. Elle avait un petit baril de bois qu’elle utilisait à cet effet. Quand elle avait besoin d’ognon pour cuisiner, elle prenait une tige entière et la coupait selon ses besoins. Plus tard dans les années 50, ma tante Elmire, qui travaillait comme domestique, a commencé à les couper à la longueur voulue (environ 3 cm) et à les saler sous cette forme, prêtes à l’emploi. C’est sous cette forme que j’ai toujours connu ce produit.
Produit fini d’herbes salées acadiennes (photo: Norbert Robichaud)
Les herbes salées sont un incontournable de la cuisine acadienne. L’ouvrage La cuisine traditionnelle en Acadie y fait référence et compte un bon nombre de recette comportant cet ingrédient. Le produit traditionnel est un condiment de base qui ne contient que des ognons verts, du sel et de l’eau. On commence par mettre une couche de sel dans le fond d’un récipient étanche, puis on alterne les couches d’ognons et de sel jusqu’à ce que le récipient soit rempli en saupoudrant la dernière couche d’ognons d’un peu de sel. On ajoute un peu d’eau au besoin pour s’assurer qu’il y ait suffisamment de saumure pour couvrir le tout. On ferme le récipient hermétiquement. Les herbes salées se conservent ainsi plus d’un an sans autre agent de conservation. On les ajoute à la soupe du pays, au fricot, à la viande à pâté et à celle servant à faire le boudin, ainsi que dans les « stews », la mioche aux naveaux et l’eau de cuisson du poisson frais. Un usage récent : nous l’ajoutons dans les moules, car nous ne consommions pas ce coquillage avant les années 80, dans ma famille.
Pour ajouter aux propos de Monsieur Robichaud, celui-ci met également l’emphase qu’une telle perte de saveur entraîne du même coup la disparition d’autres plats gastronomiques usuels dans lesquels on l’utilisait tels la soupe du pays, le fricot, la chaudrée aux fruits de mer et/ou au blé d’inde, la viande à pâté, la sauce à boudin, le « stews », la mioche aux naveaux, les patates fricassées et le poisson frais. L’arrivée sur le marché de produits de cuisine exotiques concurrence aussi la cuisine traditionnelle.
Évidemment, dans un monde où l’on cuisine et jardine de moins en moins, le goût s’efface des mémoires. Les marchés de fermiers (ex. Ferme Spirale Farm de Cocagne [N.-B.]) demeurent l’un des rares endroits où l’on peut s’en procurer. Absent des grandes surfaces alimentaires et encore moins distribués par ces mêmes réseaux, sa production devient marginale. Si vous connaissez d’autres adresses québécoises ou ailleurs où vous en procurer, je vous invite à les noter dans notre section « commentaires » du blogue pour le bénéfice des autres internautes intéressés à y goûter.
Par ailleurs, pour les non initiés, ce produit traditionnel est un condiment de base qui remplace l’oignon et donne un goût tenant à la fois de l’oignon et du poireau. Il est particulièrement utile dans la cuisson du poisson frais où son ajout à l’eau de cuisson s’apparente à l’utilisation d’un court bouillon. Les variétés d’allium utilisées sont toutes à multiplication végétatives et de culture plus facile que celle de l’ognon (A. cepa) qui nécessite une longue saison de croissance. On peut donc en déduire qu’il s’agit d’une adaptation caractéristique à une agriculture nordique.
J’ajouterai en finale deux spécifications importantes de Monsieur Robichaud. La première, si jamais vous souhaitiez produire vous-mêmes vos propres herbes salées:
Le produit traditionnel « herbes salées à l’acadienne » est constitué de tiges vertes salées de plantes de la famille de l’ognon (Allium fistulosum, Allium agregatum (syn. Allium ascalonicum?) et Allium schoenoprasum principalement); aucune autre plante (légume ou fines herbes) n’est ajouté. Certains produits sont vendus dans le commerce sous la dénomination « Herbes salées », mais sont différents du produit traditionnel acadien en ce sens que ces autres produits contiennent des légumes et/ou des fines herbes. Le produit traditionnel participe à la conservation de deux des variétés d’allium cités précédemment (A. fistulosum et A. agregatum) dont la culture s’est considérablement raréfiée depuis que les jardiniers amateurs peuvent facilement se procurer des ognonnets dans le commerce.
La deuxième étant une vidéo (en anglais seulement) suggérée par l’homme pour comprendre la facilité avec laquelle on peut en produire pour sa propre consommation personnelle. Pour les non-anglophones, consultez cette magnifique référence où vous retrouverez une foule de recettes ancestrales acadiennes en français incluant celle des herbes salées telles que cuisinées à l’époque.
REPRODUCTION DU TEXTE ET DES PHOTOGRAPHIES INTERDITE SANS L’APPROBATION DE MONSIEUR NORBERT ROBICHAUD.
Entre 1920 et 1951, lorsque la population souhaitait acheter du sirop d’érable, les seuls contenants disponibles se présentaient sous la forme de gallons en verre ou en métal. Dans les deux cas, il y avait de nombreux inconvénients. Par exemple, une fois ouvert, le contenu des cruchons en verre changeait de goût voire surissait dû à la lumière et à l’exposition à l’air.
De même, comme les gens n’en mangeaient pas chaque jour, on pouvait facilement conserver un gallon pendant plusieurs mois. À cause de la cristallisation, on devait souvent en jeter; un gaspillage inutile d’un produit relativement coûteux.
Source: musée McCord
De plus, durant les années 1940, on avait décelé la présence de plomb dans le liquide à cause des matériaux (chaudières, casseroles, évaporateurs…) soudés par ce même métal. Est-il important d’ajouter qu’en 1941, 25 000 fermes sur les 125 000 au Québec possédaient des érablières, soit 21 248 698 entailles ou 853 érables par établissement… Une grosse industrie.
D’ailleurs, les propos tenus par Jules Méthot, chef de la Division provinciale de l’Acériculture, lors d’une réunion de producteurs et retranscrits dans le Bulletin des agriculteurs d’avril 1951, y faisaient justement allusion.
Nous ne réussirons à conserver et développer les marchés de nos savoureux produits de l’érable que s’ils sont essentiellement purs et présentés dans des emballages répondant mieux aux exigences et ressources des consommateurs.
source: Le Bulletin des agriculteurs. mai 1953
Ses affirmations touchaient donc pas mal d’acericulteurs. C’est ainsi qu’après avoir converti l’ensemble des équipements à l’aluminium, il fût conclut que pour répondre à la demande du consommateur, l’utilisation d’une conserve de 26 onces résoudrait à la fois les problèmes de pertes, de conservation et de salubrité.
Toutefois, pour agrémenter l’aspect visuel de cet emballage (format no 2 1/2 et no 2) destiné exclusivement au marché canadien, le Ministère de l’agriculture, en collaboration avec la Division de l’Acériculture, organisa en 1951 un concours amateur tenu à l’Exposition provinciale de Québec. Comme cadre de référence, les propositions devaient illustrer des scènes d’érablières en plus de devoir répondre à des critères esthétiques et artistiques. Qui gagna? Il semblerait qu’à travers le temps, cette information fût oubliée ou du moins perdue. Personne ne se risque aujourd’hui à donner une réponse. Mais tentons de nous y rapprocher.
Dans un premier temps, un article paru le 14 mars 1952 dans le journal « Le Progrès du golfe de Rimouski » et écrit par le Ministère de l’agriculture du Canada relate la description de « ces boîtes artistiquement lithographiées de blanc, de rouge et de vert qui indiquent le poids net, la classe du produit ainsi que le nom de l’empaqueteur« . On peut justement voir ici-contre une publicité en noir et blanc des Producteurs de sirop d’érable de Québec publiée en mars 1953 dans le Bulletin des agriculteurs illustrant la supposée image gagnante. Vous pouvez cliquer pour l’agrandir. C’est drôle mais elle ne ressemble pas réellement à tout à fait à notre fameuse « canne » de nos jours.
De fait, lorsqu’une bonne partie des sources suggèrent qu’il n’y a pas eu de changements depuis ces 60 dernières années, je dresse ici un bémol.
En effet, comment expliquer qu’il existe 4 versions autorisées (voir images ci-dessous)? Y aurait-il eu 4 gagnants en 1951? Que comprendre aussi en comparant deux anciennes conserves de sirop des années 1970. Il y a aussi des différences même avec celles actuelles?
Qui plus est, où sont passés le rouge, le blanc et le vert comme l’affirmait l’article publié dans le Progrès du golfe de Rimouski? Où est également la feuille d’érable comme le montre la publicité de 1953? Les conserves d’aujourd’hui ne sont peut-être pas aussi « vintage » qu’on le prétend. Que comprendre? Le « questionneux » en moi ne relâche jamais. Si vous avez des pistes ou des éléments pertinents, n’hésitez pas à les inscrire dans notre section commentaires.
Pour en savoir davantage sur l’histoire de ce merveilleux produit, consultez le site « J’aime l’érable« .
Saviez-vous que: Les québécois sont les seuls au monde à consommer du sirop d’érable dans des conserves.
Lors de la parution de notre article consacré au maïs lessivé, nous avons songé le bonifier en y ajoutant le repas où il était le plus utilisé anciennement par les amérindiens: la sagamité.
La sagamité constituait un mets de base dans l’alimentation de nombreuses nations amérindiennes de l’est du Canada. Ce terme est d’origine montagnaise et il a aujourd’hui acquis une valeur historique. Dans l’Ouest québécois, le mot sagamité, qui est souvent prononcé sakamité, est usité au sens de « bouillie de farine de maïs ou de blé et d’eau ou de lait », mais cet emploi est vieilli.
En fait, il existe une foule de variations de ce plat. Celui présenté aujourd’hui s’inspire du livre « Recettes typiques des Indiens« . Publié en 1972 par Bernard Assaniwi (1935-2000), ce dernier est justement l’auteur par excellence de plusieurs ouvrages concernant la culture autochtone.
D’ailleurs, il a reçu de maints honneurs à cet égard, notamment un doctorat honoris causa de l’Université du Québec à Trois-Rivières concernant l’ensemble de sa contribution littéraire sur ce sujet. Il a légué sur papier l’une des versions de cette fameuse recette qu’il qualifie de délicieux.
4 livres de chair de truite en grossier morceaux
4 livres de jarret d’orignal en cubes de un pouce
3 livres de viande de castor coupée en morceau de deux pouces (ou 3 livres de lard maigre coupé en morceau de 2 pouces)
2 livres de fêves rouges bien trempées (12 heures)
2 livres de blé d’inde lessivé (maïs lessivé)
6 têtes ‘ail des bois
1/2 tasse de sucre d’érable
sel et poivre
Mélangez le tout et mettez dans un gros chaudron de fer. Couvrez d’eau, de sel et de poivre au goût. Couvrez le chaudron et mettez sur un feu extérieur ou dans un grand four à 275 degré Farenheight. Laissez cuire pendant 12 à 18 heures. Bon appétit!
La conservation des fruits et légumes était vital dans l’histoire de nos ancêtres québécois.
C’est une des raisons pour lesquelles les cultivars possédant des caractéristiques de maturation rapide mais également de longue conservation se voyaient rapidement adoptés. C’est le cas du melon citron (à graines rouges ou à graines vertes). Les anglophones l’appellent « the red seeded citron » ou « the green seeded citron »(voir image ci-dessous).
De fait, laissez-le sur votre comptoir à la température de la pièce et il se conservera jusqu’à 1 an. Wow! Mais comme il est immangeable cru, nos grands-mères l’apprêtaient sous d’autres formes notamment en marmelade. En voici une ancienne recette.
MARMELADE DE MELON CITRON
2 livres (environ 900 grammes) de chair de melon citron
Lait d'amandes de terre (source: lasdietasdesusana.blogspot.com)
Pour ce premier article de l’année 2012, nous voulions trinquer avec vous. Nous avons donc songé à cette merveilleuse boisson nommée le lait d’amandes de terre ou si vous préférez le lait de souchet comestible.
Amandes de terre ou souchets comestibles
En effet, on se fait souvent demander comment apprêter ce petit tubercule. Outre le manger cru, il se prépare aussi en ce breuvage appelé chez les espagnols « horchata de chufa ».
Selon une légende, le nom serait dû à Jacques Ier d’Aragon (1208-1276) qui aurait répondu Això és or, xata (« Ceci est de l’or, petite ») à une fille qui lui offrit cette boisson.
Voici comment la préparer.
Prendre 250 gr. de tubercules frais et les laver soigneusement. S’ils sont secs, laissez-les tremper au moins 24 heures à l’eau tiède en la changeant plusieurs fois.
Vider l’eau, ajouter de l’eau claire et broyer.
Filtrer (vous pouvez passer le broyat à la centrifugeuse).
Au moment de la récolte de certains légumes et fruits d’époque, il nous arrive d’être dans l’incertitude. Je m’explique.
En effet, ça peu paraître « in » de cultiver des variétés rares et patrimoniales mais si on ne sait pas comment les préparer, qu’est-ce que ça donne? Et de surcroît, s’ils sont peu communs, c’est encore plus difficile de trouver des recettes.
À partir d’aujourd’hui, nous incorporerons une nouvelle section dans ce blogue intitulée: saveurs d’autrefois.
Pour débuter et puisque c’est de saison, nous vous présentons une recette de gratin de topinambours. Ce plat m’a été présenté il y a de nombreuses années au boulot lors d’un dîner commun. C’est à ce moment que j’avais appris l’existence de ce légume.
Il est intéressant de noter qu’en 1737, mère de Sainte-Hélène en avait une opinion plutôt négative :
La grande disette réduit les habitants à manger des pommes de terre (topinambours) et autres choses qui ne sont pas propres à la nourriture humaine.
Heureusement, aujourd’hui, il y a des techniques de préparation plus savoureuses de cet aliments trop souvent associé jadis aux ventres creux. Il existe évidemment d’autres variations (voir lien de l’image).
GRATIN DE TOPINAMBOURS
Ingrédients:
2 lbs ou 4 ½ tasses
Topinambours pelés et coupé en rondelles
1 tasse
Crème 35% ou 15% à cuisson
1 c. à thé
Sel d’oignon
1 ½ tasse
Fromage cheddar ou mozzarella râpé
1 pincée
Piment de cayenne
Paprika (sur le dessus du plat)
Préparation:
Préchauffer le four à 350o F.
Rapidement, peler les topinambours avec l’économe et couper en rondelles. Pour éviter que les topinambours grisonnent, mettre les rondelles dans de l’eau citronné à mesure que l’on coupe.
Dans un bol, mélanger les topinambours, la crème, le sel d’oignon, la moitié du fromage et le piment de cayenne.
Déposer dans un plat de cuisson de (9 pouces X5 pouces).