Il arrive de temps à autre qu’une histoire concernant une variété patrimoniale canadienne unique m’interpelle au point où je sens le besoin de la partager avant de la perdre dans le fouillis de mes notes manuscrites. Ce fût le cas pour la sarriette Ancienne d’Acadie.
En effet, en décembre 2016, je reçois le bulletin mensuel électronique du semencier du patrimoine décrivant le récit de cette fine herbe « Satureja hortensias« . Je vous en dresse ici-bas un bref résumé.

De gauche à droite: Rosaline Beattie (fille de Anita Beattie), Norbert Robichaud et Anita Beattie (en 2016) avec la sarriette « ancienne d’Acadie » (photo: Norbert Robichaud)
En 2012, Madame Jocelyne Gauvin de Cocagne au Nouveau-Brunswick commande des semences à Norbert Robichaud dans l’annuaire annuel pour les membres. Résidant à Bathurst (N-B), il la cultive depuis 1980. Une fois poussée, elle s’interroge sur cette sarriette d’été peu commune comparativement à la variété habituelle. Elle décide de contacter à nouveau le jardinier pour en savoir davantage sur son historique. Ils retracent sa provenance jusqu’à la fin du 19e siècle à Burnt Church (N-B) où Jean Prudent Robichaud (1867-1958) y reçut pour la première fois des graines d’une autochtone habitant cette région. L’homme vit avec sa femme à Canton-des-Robichaud où il travaille auprès d’agriculteurs autochtones mais c’est sa belle-fille qui la perpétuera dans les années 1930. 29 ans plus tard, c’est au tour de sa petite-fille, Anita Beattie, de continuer la tradition à Rivière-du-Portage (N-B) après s’y être installée avec son mari. Reçue de cette dernière et, selon les dires de Norbert Robichaud, il la cultive encore aujourd’hui (2017) lui, Anita Beattie et les deux sœurs de celle-ci, Olésine Painchaud et Jeannette Savoie.
Par ailleurs, la plante se veut plus trapue et on lui a attribué la qualité de « très goûteuse ». Elle se cuisine dans les plats traditionnels tels le « fricot« , un mets acadien. Elle ajoute aussi une touche délicieuse aux mélanges d’herbes de Provence, soupes et ragoûts. Résistante au froid (zone 4b), elle porte une multitude de fleurs tout au long de la saison et devient une magnifique plante amie des pollinisateurs. Maturité: 60 jours. Pour sa culture Monsieur Robichaud suggère cette méthode:
- Semez à l’extérieur directement au jardin et laissez la pousser jusqu’au début novembre pour en conserver les semences.
- Entre temps, lorsque les feuilles tombent du plant, récoltez les gousses et faites sécher. Dispersez les résidus sous un vent léger.
- Pour le nettoyage, roulez les gousses sur une feuille de papier et soufflez doucement pour enlever les débris.
Selon la coutume de l’époque, à la fin de la saison de croissance, les femmes s’occupaient de couper les tiges de la sarriette, de les faire sécher puis, ils séparaient les feuilles des branches. À chaque fois, les tiges portaient de petites graines agrippées aux branches. Celles-ci se conservaient (feuille et graines) dans des bouteilles en verre pour être utilisées pendant l’hiver. Heureusement, quand tout le feuillage avait été consommé, il restait au fond des bouteilles les précieuses graines qu’on resemaient au printemps suivant.
Aux dires des responsables du semencier:
L’année dernière (2015), Norbert a cultivé assez de semences pour en partager avec la Banque de semences de l’Atlantique, un projet de l’Initiative de la famille Bauta sur la sécurité des semences canadiennes, ainsi que pour nous en faire don pour la Bibliothèque canadienne des semences. Et encore mieux, la famille Gauvin, qui cultive encore la sarriette Ancienne d’Acadie, ont adopté en décembre 2014 la variété dans la bibliothèque de semences, en préservant de façon permanente cette pièce importante de notre patrimoine vivrier!
Nous remercions tous les intervenants pour la sauvegarde de cette plante canadienne unique. Elle peut maintenant s’enorgueillir de faire partie de l’arche du goût canadienne de Slow Food Canada, un « catalogue mondial d’aliments menacés par l’agriculture industrielle, la standardisation et la distribution à grande échelle des marchés mondiaux de produits alimentaires, et la dégradation environnementale« .
LES PHOTOGRAPHIES SONT INTERDITES DE REPRODUCTION SANS LE CONSENTEMENT DE MONSIEUR NORBERT ROBICHAUD.