Cloches et paillassons, Bobigny (France) date inconnue

L’automne sonne à nos portes et ça m’amène à vous entretenir d’une technique ancestrale pour allonger la saison de culture. Encore utilisées de nos jours par les jardiniers amateurs, surtout européens, il n’y a malheureusement aucun historique concernant les cloches de jardin en agriculture au Québec ou pas que je connaisse. Laissez-moi vos commentaires si je me trompe.

Inventées en France depuis le début du 17e siècle grâce à l’apparition des premières usines de verre, elles ont influencé nos fameuses couches chaudes, tièdes et froides dans notre belle province. Fabriquées par milliers, leurs principaux inconvénients consistaient à l’espace de stockage exigé, la manipulation importante, leur lourdeur, fragilité et évidemment le coût. Anciennement, le verre coûtait très cher à importer. Seuls les artisans arrivaient à reproduire ces formes élégantes et la production à la chaîne n’a jamais fonctionné faute de réels processus de fabrication fiables. Le transport des vitres se faisait par bateaux à l’intérieur de tonneaux remplis de mélasse; celle-ci faisant office de matière anti-choc et anti-grafignure. Une fois arrivées à bon port, on nettoyait les vitres et on récupérerait la mélasse. On faisait ainsi d’une pierre deux coups. Ingénieux! Ce processus n’était pas possible pour ces jolis objets à moins d’un emballage adéquat. Cela en faisait donc des objets de luxe pour nos ancêtres.

Cloche de verre pour melon du 19e siècle (image: proantic.com)

De notre côté de l’Atlantique, la couche chaude avec châssis doubles a eu préséance car plus économique. Le verre plat, comparé aux cloches courbes en verre épais coûtaient bien moins cher à importer et il s’incorporait aux châssis en bois (comme on le voit ici-bas). Dans nos contrées québécoises où les températures hivernales et printanières froides n’avaient quasi aucune commune mesure comparée à celles de nos cousins français, les ballots de foin très épais ceinturaient ces fenêtres versus les paillassons de brindilles utilisées par les européens. Ces paillassons pouvant aussi se dérouler et s’installer par dessus les cloches par temps très ensoleillé pour éviter les plants de cuire. Cette technique de couche chaude pour démarrer les semis plus tôt fût celle qu’on adopta ici jusqu’à leur électrification dans les années 1940.

Source: agro-conseil-carnavalet.eu

Source et date inconnues

Cette méthode de culture sous cloche sert donc à protéger les plants contre les intempéries et les ravageurs. Leur format curvé permet une pénétration maximale des rayons du soleil. Cela agit comme des mini-serres et favorise un développement accéléré des jeunes plants. Leur utilisation en début de printemps ou à la fin de l’automne est idéal pour protéger les semis ou étire la saison de culture de plusieurs semaines.

Pour un look historique dans nos potagers modernes.

Au printemps, si l’envie vous titille d’en installer quelques-unes dans votre potager, faites une marque au sol avec votre cloche. Planter votre jeune plant au centre. Déposer des cales par terre sous la cloche pour laisser l’air passer. Un manque de circulation d’air pourrait amener l’apparition de champignons et différents pathogènes pour les plantes. Par temps très ensoleillé, retirer les cloches pour ne pas brûler vos plants. Lorsque le temps se réchauffe à la fin du printemps, retirez-les définitivement. Les semis seront alors suffisamment vigoureux pour se développer de manière saine.

Source: agro-conseil-carnavalet.eu

À l’inverse, à l’automne, placer les cloches sur les cultures tardives. Cela prolongera la durée de production de plusieurs semaines. Laver les cloches à l’eau savonneuse à chaque changement de saison pour éviter la propagation de maladies d’une culture à l’autre.

Si vous en cherchez et je ici m’adresse aux gens du Québec, visitez les magasins (en kiosque ou en virtuel) qui vendent des produits de cuisine ou de décoration. Curieusement, elles se sont recyclées en « cloches à fromage » ou  « cloches à pâtisseries ».

Source: potagers.forumactif.com

Saviez-vous qu’il existait une version intérieure de la cloche de jardin? Inventée en Grande-Bretagne par Nathaniel Bagshaw Ward (1791-1868), elle se distingue par son appellation « cage de verre » et d’une ouverture sur le dessus laissant circuler l’air. Ce médecin et collectionneur anglais a accidentellement découvert que les plantes, en particulier les fougères, poussaient et s’épanouissaient avec vigueur dans des boîtes en verre presque hermétiques (ou, comme il les appelait, « étroitement vitrées »). Jusque-là, ses fougères avaient résisté à la culture à l’intérieur, surtout à cause l’air vicié de Londres. En 1833, un ami de Ward emporta plusieurs  « boîtes en verre » de Ward en Australie lors d’une expédition de collecte de plantes. Il découvrit que 95 % de ses spécimens avaient survécu au voyage de retour; là où leur taux de survie avoisinait 5 % jadis. Ward écrit plusieurs articles sur sa découverte, puis en 1842, il rédigea un petit livre intitulé : On the Growth of Plants in Closely Glazed Cases. Cette découverte lança la culture sous verre pour la riche bourgeoisie.

À gauche: Portrait de Nathaniel Ward par Richard James Lane, lithographie, 1859 (source: National Portrait Gallery, Londres). À droite: Trois exemples de cloches intérieures illustrés par J. R. Mollison, The New Practical Window Gardener, 1877 (source: Linda Hall Library).