En 2019, Jacinthe Roy, habituée d’acheter ses œufs à la ferme de sa voisine, Pierrette Latraille-Binette (1934-….), se désole en apprenant sa résignation de ne plus cultiver ses grosses tomates. Faute d’énergie et d’intérêt de ses proches à poursuivre ce legs familial pour une 5e génération de femmes, Madame Roy l’a convainc de lui donner des semences pour garder la lignée vivante. Après les avoir plantées dans des bacs cet été-là et récolté les graines, elle contacte en février 2020 Lyne Bellemare, directrice de l’entreprise de semences « Terre Promise » pour lui proposer ce cultivar unique. Acceptée! Mis au courant de ce sauvetage in extremis un an plus tard, je vous partage l’histoire.
Issue d’une famille d’agriculteurs, Pierrette Latraille-Binette, cultivait depuis des décennies un immense potager à Les Cèdres dans lequel elle y plantait entre 100 et 150 plants d’une seule variété de tomate; un héritage familial. Cette tradition se perpétuait depuis sa mère, Marie-Rose Lefebvre (1895-1992), l’ayant reçue de sa grand-mère, Agnès Castonguay (1861-1948) et de son arrière grand-mère, Angélique Montreuil (1834-1921).

De gauche à droite: Angélique Montreuil, Agnès Castonguay et Marie-Rose Lefebvre (images: famille Latreille-Binette)
Son origine remonterait donc au début des premières tomates cultivées en sol québécois introduites aux alentours de 1870. Produisant de très gros fruits (entre 1.5 et 2 livres ou 0.6 à 1 kg), elle s’en servait pour la confection de son ketchup, son jus de tomate et ses conserves. Évidemment, avec la quantité obtenue, elle donnait des fruits à sa famille. Pour l’étape des conserves, elle les trempaient dans l’eau bouillante pour enlever le peau tendre et ensuite les « canner ». Elle se mange aussi fraîche et comme elle contient très peu de liquide, vos tranches de pain ne deviendront pas imbibées avant la fin de votre repas. Attendez-vous à cueillir vos premiers sujets après 75 jours suite à sa plantation. Selon les dires de son fils interviewé, Pierre-Yves Binette, elle prenait les graines d’une seule parmi tous ses spécimens. Elle les faisait sécher sur une « gazette de papier » pour les entreposer dans un pot de pilules vide jusqu’à l’année prochaine.
Au départ, elle démarrait ses semis à l’intérieur pour ensuite les faire profiter dans une serre en avril avant leur acclimatation et leur plantation définitive à là mi-mai. Selon les directives de Madame Bellemare:
Acclimater graduellement aux conditions extérieures environ 10 jours avant la plantation en les sortant le jour. Lors de la plantation, coucher les plants horizontalement en les arquant légèrement afin de faire ressortir les feuilles vers le haut. Arroser lors de la plantation et par temps sec.
Comme le plant mesure jusqu’à 5 pieds (0.9 a 1.2 mètre), assurez-vous de disposer d’un bon tuteur. Si vous souhaitez en planter plusieurs, espacer chaque plant d’au moins 30 cm et 70 cm entre les rangées. Pousse aussi très bien en bac. L’expérimentation de cette variété par Lyne Bellemare suggère une irrégularité dans la couleur des fruits (parfois tirant sur rouge, parfois sur le rose). Sélectionner vos meilleurs spécimens pour poursuivre la lignée. Pour respecter le souhait d’anonymat de Pierrette Latraille-Binette, aucune image, ni coordonnées ne seront transmises.
Un immense merci à Jacinthe Roy pour sa sagesse d’esprit de redistribuer ce trésor inestimable. Faites comme elle et devenez, vous aussi, un-e gardien-ne de votre patrimoine agroalimentaire. Soyez alertés! Il y en a encore beaucoup à sauver. Chacun peut faire sa part.
REPRODUCTION DES IMAGES INTERDITES SANS LE CONSENTEMENT DE JACINTHE ROY OU DE LA FAMILLE BINETTE.
Merci pour cette belle histoire
Coco Otis
>
Tout le plaisir est pour moi.
Allo Michel. Merci pour cette belle histoire familiale de tomate. J’aurais bien aimé l’essayer : malheureusement elle est déjà « out of stock » chez Terre Promise. Zut de zut ! Si tu le peux, passe le mot de ramasser des semences pour la prochaine saison. Attention si tu sort de chez toi : la météo évalue à 78,9% la « chance » de recevoir par la tête soit une vache sans cornes, soit des cornes sans vache. Le casque de football est recommandé pour les sorties à l’extérieur ;0)
Message reçu. Par ailleurs, un éleveur de vaches m’avait déjà dit un jour qu’il était très reconnaissant que la nature n’ait pas accordée d’ailes aux vaches. Il me disait ça en nettoyant son étable. En voyant son clin d’œil, j’ai compris. Je tiendrais donc compte de votre avertissement. Michel Richard, POTAGERS D’ANTAN
formidable !!
Merci pour cette belle histoire d’une autre tomate sauvegardée ! D’après la photo, on dirait une tomate en forme de coeur… est-ce bien ça ?
Bonjour Monsieur Joly,
Selon les dires de Madame Lyne Bellemare, celle-ci s’apparenterait côté ressemblance à la tomate « mémé de Beauce ». Vous pouvez lire son histoire et voir ce qu’elle ressemble dans un de mes articles publiés il y a quelques années. Michel Richard, POTAGERS D’ANTAN
J’imagine que cette variété de tomate doit être extrêmement bien adaptée au terroir dans lequel elle a été sélectionnée au fil des générations.
Dans mon ancien village du Gers, Montesquiou,, les familles ont également sauvegardés une tomate, la Belle de Montesquiou. Heureusement elle pousse toujours très bien en Haute Garonne aujourd’hui 🙂
Merci pour cette histoire et cet article en tous cas.