Sans tambour ni trompette, 2020 marquera peut-être l’accélération du déclin de la tomate rose au Québec.
En effet, selon un article paru le 12 août 2020 dans « La terre de chez-nous » De Ruiter, unique compagnie au monde productrice de semences de la variété rose « Makari », l’une des plus populaires sur le marché québécois, a annoncé qu’elle cessait la production de cette hybride pour des raisons de non rentabilité.
De fait, pour couvrir ses frais, l’entreprise aurait dû vendre au moins 100 000 semences. Distinction mondiale oblige, seul le Québec en commandait 20 000 chaque année et ce, depuis maintenant 10 ans. Il y a 3 ans, un compromis aurait été proposé aux principaux producteurs de tomates québécois de conserver cette production à condition d’en acheter un minimum de 100 000 semences; sans résultat. Devant ce constat, De Ruiter a jeté tout le reste de ses réserves en début d’année sans en informer ses acheteurs. Quelques prévoyants pourront encore en offrir dans les 3 ou 4 prochaines années ayant fait des réserves. Mais qu’arrivera t’il après? Bof! Pas grand chose car on se tournera vers d’autre cultivars mais…
Le succès de la Makari, outre sa résistance aux maladies, tenait surtout à son taux de sucre élevé (taux de brix de 7), une qualité très appréciée des personnes âgées qui leur rappelait leur enfance mais aussi la rendait moins acide (estomac sensible oblige). Originaire des Pays-Bas, cette tomate de type « beefsteak », nous côtoyait quand même depuis plus de 25 ans. Pourquoi mon titre alors?
Et bien justement, la génération des baby-boomers et celle appelée « silencieuse » ont grandi avec une offre abondante de tomates roses; tant dans les marchés publics qu’au supermarché. Extrêmement populaire comme tomate de table fraîche, les rouges quant à elles, se voyaient reléguées à la popote (soupes, ketchups et sauces de toutes sortes). Un témoignage en 2004 de Rolland Charbonneau, producteur de tomates roses en champs, à l’émission « L’épicerie » mentionnait:
Au marché Jean-Talon, on disposait nos boîtes de tomates sur un étal, une étagère sur des chevalets, et puis on avait des rangées de tomates rouges, puis la rose, qui primait toujours. On donnait un soin spécial à cette tomate.
Qui plus est, pratiquement tout le 20e siècle, lorsqu’arrivait le temps de commander ses semences de tomates, la moitié des catalogues proposait de cultivars roses. Importées des États-Unis entre 1950 et 1960, cette popularité amène la production en champs au Québec dans les années 1970. Aujourd’hui, 50 ans plus tard qu’en reste t’il? Encore une fois, les jeux de l’offre et la demande dictent la marche à suivre. Par exemple, en 2017, le plus grand producteur de tomates roses en Amérique du Nord, « Les Serres Bertrand » a converti une grande partie de sa production vers le cannabis. Évidemment, il reste encore une foule de cultivars roses disponibles mais le degré brix ne va pas au-delà de 5. Pour remplacer la Makari, il faudra beaucoup d’essais et d’erreurs. Y aura t’il une relève pour reprendre le flambeau de ce marché considéré quasiment comme de niche?
De fait, mis-à-part le Québec, seul le Japon produit aussi de manière commerciale des tomates roses en serre dans le monde. En l’absence d’une distribution à grande échelle, les gens vont oublier. Nostalgie? Pas vraiment. Un simple constat. Poser la question aux plus jeunes s’ils connaissent la tomate rose ou en ont-ils seulement déjà goûté une dans leur vie et écouter leur réponse. Mais comme avec n’importe quel repère gustatif, en voici un autre de moins. Encore une petite partie de notre spécificité s’efface. Heureusement, vous pouvez encore cultiver de nombreuses variétés roses non hybrides de notre terroir québécois en consultant la liste des semenciers proposée dans notre section « production de semences ancestrales au Québec ».
J’ai toujours 2 plants de tomate rose dans mon potager. J’en mets moitié-moitié, avec de l’italienne, pour faire ma sauce tomate. Je réduis ainsi de moitié la quantité de sucre (d’érable, svp) nécessaire.
Je me rappelle encore les printemps de mon enfance où l’on aidait mon père à faire les semis de tomates et à les entretenir: sur les caissettes de styromousse ou sur des bâtons de bois, il était souvent écrit « Ponderosa rose ». On la faisait pousser dans une serre bricolée en zone 3b et je me rappelle qu’on en récoltait pas mal ! Il faudrait bien que je la refasse pousser, cette variété ancestrale rose !
Je l’admet, j’ai souvent levé le nez sur les tomates roses sur les étals, me disant qu’elles avaient l’air fade, pas assez mûres, habituée que je suis aux pimpantes tomates rouges. Votre texte me le fait regretter maintenant. Prochaine fois que j’en vois, je n’hésiterai pas à en acheter et à conserver des graines, pour ajouter une couleur supplémentaire dans mon jardin.
Faire la promotion de la tomate rose Dufresne Savignac délicieuse et savoureuse à souhait un excellent choix.