Vous connaissez sûrement l’herbier Marie-Victorin. Dans un de mes petits quiz sympathique en 2018, vous aviez été quasiment unanime à le reconnaître sur une photographie inédite. Mais saviez-vous qu’un autre herbier de la flore québécoise l’avait précédé? Intitulé « Flore-Manuel de la Province du Québec », il recelait pas moins de 75 000 spécimens dans un ouvrage de 319 pages. Édité en 1931, 4 ans avant le populaire « Flore Laurentienne », on l’a malheureusement oublié de notre mémoire collective. Mais, par chance, on peut encore le consulter sur Internet via l’université Laval, lieu où, en 1963, son principal architecte l’a légué: le père Louis-Marie Lalonde, trappiste cirstercien d’Oka. Outre sa première vocation de moine ayant débuté en 1917 pour, quatre ans plus tard, être ordonné prêtre, rien ne laissait présager l’éclosion de cette passion comme chercheur-professeur en sciences naturelles.
En effet, ses supérieurs décidèrent de l’envoyer étudier à l’Institut botanique de l’Université de Montréal où il devint un disciple et ami du frère Marie-Victorin, ecclésiastique de la communauté des Frères des Écoles Chrétiennes. Durant ses études et ses voyages avec lui, il rencontrera le professeur-émérite et directeur de l’herbier Gray (le plus grand herbier du monde à l’époque), Merritt Lyndon Fernald, à l’Université Harvard aux États-Unis. Ce voyage scellera sa destinée car il décidera d’y rester pour compléter sa formation. Selon le texte tiré de l’homélie de ses funérailles écrit par Dom Fidèle Sauvageau, abbé de Notre-Dame-du-Lac (1964-1990), ce dernier y mentionnera:
Il obtint en 1925 une Maîtrise en sciences naturelles et en 1928, il revenait de l’université d’Harvard avec son doctorat en Biologie. C’était la première fois qu’un canadien-français et qu’un prêtre catholique recevait un tel diplôme à cette université.
Aussitôt (1925), il commencera ses travaux d’herborisation avec Marie-Victorin et Rolland-Germain (1881-1972) par un voyage aux îles Mingan et à l’Île d’Anticosti. Son but, mieux garnir son herbier actuel en parcourant surtout le Québec méridional.

L’agronome T. Proulx en compagnie du père Louis-Marie Lalonde, trappiste, professeur de génétique et de botanique ainsi que fondateur de «La Revue d’Oka» en juin 1950 (image: Fonds du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine)
De fait, responsable du Laboratoire de botanique de l’Institut Agricole d’Oka depuis 1923, ses prédécesseurs lui avaient laissé un herbier d’environ 1000 spécimens. Dès lors, il cumulera des responsabilités d’enseignant en génétique et botanique (pendant 40 an), chercheur-auteur, professeur ainsi que fondateur-scientifique de la « revue d’Oka » dans laquelle on offre des cours par correspondance. Pour citer quelques-une de ses œuvres, j’irai avec « Le botaniste amateur en campagne » (3 éditions de 1920, 1939, 1953), « Le genre Trisetum en Amérique » (1928) et un texte romancé intitulé « un zouave à la Trappe » (1941), un titre hors norme pour l’époque. Lors d’une conférence de presse le 24 septembre 1963 où il y dévoila son intention de léguer l’entièreté de sa collection (100 000 spécimens) à l’Université Laval, il résuma sa passion ainsi:
… le naturaliste passe sa vie à lire le plus beau des livres, celui de la nature. Il apprend à voir, à sentir, à goûter et à aimer toutes ces choses merveilleuse… Il joue un rôle dans son milieu familial, d’abord en cultivant et en faisant apprécier cette belle nature, ces fleurs, ces arbres etc.
Il ajoutera:
On s’habitue de plus en plus à voir les machines tout faire mais elles ne pourront jamais parvenir à aimer, à admirer et à apprécier la beauté et la délicatesse d’une fleur, d’une herbe ou d’un arbre.

Père Louis-Marie Lalonde avec son herbier à l’institut agricole d’Oka en juin 1950 (image: Fonds du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine)
Pour l’ensemble de son oeuvre l’ayant fait rayonner à l’internationale, il recevra de l’Université Laval un doctorat honorifique en agronomie, le premier accordé depuis la fondation de la faculté d’agriculture depuis son installation à la cité universitaire. À la fin de sa carrière de 40 ans (entre 1923-1962), on lui devra, outre son herbier, plus de 50 travaux de recherche, des publications scientifiques dans plusieurs revues reconnues notamment dans le Rhodora journal, publié depuis 1899.
Saviez-vous que?
Pourquoi se souvient-on seulement de l’herbier de Marie-Victorin? Il aurait, semble-t-il, existé à l’époque une rivalité entre les étudiants de Marie-Victorin et ceux de Lalonde concernant celui qui éditerait en premier leur herbier. Bien qu’elle n’ait pas atteint les deux principaux intéressés, force est d’admettre que la personnalité de Marie-Victorin mais aussi la réalisation du Jardin Botanique de Montréal n’ont pas fait le poids contre Lalonde, beaucoup plus discret. Pour en savoir davantage sur l’homme, consultez le texte intitulé « Humble moine et grand savant… Le Père Louis-Marie Lalonde« . Et pour celles et ceux se demandant « À quoi ça sert un herbier? », je vous invite à lire le texte « échantillon du passé« .
Merci pour cet article. C’est toujours souhaitable de se faire sortir de la torpeur par d’autres qui nous éveillent. Tous ces pionniers, ces fondateurs, ces précurseurs, ont posé, établi, agrandi les bases de notre beau pays, le Québec. À nous, chacun à notre façon, de contribuer à l’avancement et l’épanouissement du Québec. Merci très sincère pour votre site et votre travail de grande qualité.
Merci Monsieur Proulx pour ces bons mots.
Nos aïeux ont fait le chemin.
À nous de le poursuivre et à encourager nos enfants à le perpétuer.
Merci de me lire.
Michel Richard
POTAGERS D’ANTAN
Et que dire de l,abbé Provencher
Bonjour. 🙂 Pardon, mais mon français n’est pas bon. Pere Louis-Marie etait le oncle de mon grandpere. Ma famille chérit sa mémoire. Nous avons un souvenir, son petit microscope. Il aimait manger des œufs crus pour son petit-dejeuner, je suppose pour la sante. Merci pour les photos et le article.