J’avoue humblement que la culture du melon exige des connaissances techniques et pratiques qui me font souvent défaut. En terme de taux de réussite, la sélection manuelle se trouve parmi les plus bas du royaume végétal à cause de la petite dimension des fleurs à féconder. J’ai beau tenter l’expérience chaque année, je suis rarement satisfait. Absence de temps pour arroser ou contrôler les maladies, manque de motivation pour la fécondation manuelle, surveillance des indésirables deviennent autant de tracas rendant l’expérience déplaisante. Si l’envie vous prend cette année de récolter vos propres semences, sachez que le chemin est plutôt ardu. Mais, qui sait! Il y a peut-être un expert du melon en vous.
Au départ, pour la production de semences, il existe de petites différences entre melon d’eau (pastèque), melon à confire et cantaloup. Dans les deux premiers cas, on exige de 6 à 20 spécimens pour assurer une biodiversité comparativement à un minimum de 8 plants pour le troisième. Même chose concernant la durée de conservation des graines des melons à confire et des melons d’eau qu’on estime entre 4 et 6 ans tandis qu’on évalue entre 5 et 8 ans pour le cantaloup.
De plus, vous devrez porter une attention très spéciale de ne pas croiser les melons avec la même famille. Par exemple, les melons d’eau et les melons à confire, citrulus lanatus, devront se distancer entre 400 et 1500 mètres. Même chose concernant les melons brodés, melons miel, melons Casaba et cantaloups de la famille des cucumis melo qui pourraient se croiser s’ils ne sont pas isolés eux aussi entre 400 et 1500 mètres. Vous pourriez ainsi produire côte-à-côte un melon à confire (citrulus lanatus) et un melon miel (cucumis melo) sans danger. Faites seulement attention au concombre arménien, aussi appelé concombre serpent car, bien qu’identifié sous l’appellation « concombre » il n’est en fait qu’un melon appartenant à la famille des cucumis melo.
Ainsi donc, la meilleure manière de s’assurer de la pureté de vos graines consistera à poser une ceinture de chasteté autour des fleurs femelles et mâles (voir photo ci-dessous). Pour cela, choisissez les plants en santé les plus vigoureux. Le soir venu, repérez les fleurs mâles et femelles prêtes à éclore le matin suivant. Apposez-leur un ruban adhésif qui se décollera aisément et ce, pour les tenir fermés. Faites attention à la marque d’adhésif car plusieurs peuvent décoller sous l’effet de la rosée ou de l’humidité. Pour contrecarrer cette possibilité, certains vont envelopper uniquement les fleurs femelles avec un genre de sac en tissus léger qui, lorsque fécondées, vont les enlever une fois les fruits bien formés.
Par la suite, le lendemain, prenez du pollen d’une fleur mâle et, avec l’aide d’un coton-tige, féconder les fleurs femelles d’un autre plant. Évitez de prendre du pollen du même plant. Ceci dans le but de mélanger la génétique et empêcher de reproduire des tares non désirées. Les sources suggèrent même de multiplier l’application de pollen de multiples plants mâles pour gagner en biodiversité. Rattachez ensuite les rubans des fleurs femelles pour empêcher qu’un autre insecte s’introduise réduisant à zéro vos efforts. Une fois cette étape faite, surveillez l’évolution des fruits et aussi des plants. Ne soyez pas déçu si vous échouez. Il y a 80% d’avortements naturels prévisibles pour les cucumis melo contrairement au melon d’eau où l’inverse se produit, c’est-à-dire entre 50 et 75% de chances de réussite. Pour augmenter votre rendement:
- conservez un taux d’humidité du sol constant mais pas détrempé;
- poliniser les premières fleurs à éclore;
- fertiliser le sol avec un bon amendement de compost car la plante est gourmande
- éliminer tous les fruits du même plant non polinises à la main;
- poliniser vers la fin de l’avant-midi car la fleur nécessite de la chaleur.
En fait, tout est question d’observation. Pour la récolte, ayez soin d’identifier les fruits sélectionnés avec un ruban de couleur. J’ai trop souvent omis cette opération en me fiant à ma seule mémoire. Je l’ai tellement regretté car la nature prend un malin plaisir à tout changer. Pour les visuels comme moi, je vous propose une vidéo pour mieux comprendre, une suggestion très pertinente de Sylvain, un de nos lecteurs.
Au moment de la récolte, les fruits des cucumis melo devront se séparer facilement de leur tige tandis que les melons d’eau iront au-delà de leur consommation humaine. Les semences continueront leur maturation à l’intérieur des fruits. Pour cela, il est suggéré de les rentrer dans la maison quelques semaines avant de les ouvrir. En principe, plus vous attendez, meilleur sera le résultat. Mais l’odeur et les mouches rendent parfois cette étape difficile à gérer auprès de votre famille. Pour éviter les commentaires désobligeants et même menaçant de vos proches, il y a des batailles sur lesquelles je m’avoue vaincu.
Donc, ouvrez le fruit. Rincer les graines à l’eau claire. Installez-les sur une surface à l’air libre (ex:papier ciré). Faire sécher jusqu’à ce que la semence casse sous la tension des doigts. Insérer dans une enveloppe en papier opaque en inscrivant le nom du cultivar et l’année de la récolte. Ranger dans un endroit sec, aéré et au frais.
En me relisant, je comprends beaucoup mieux pourquoi je redoute chaque année le moment de la préservation des semences de melon. Mais au final, si personne autour de chez-vous ne cultive de melons, le mieux reste encore de laissez faire la nature et de garder les plus beaux sujets.
Merci Michel, très intéressant! La semaine dernière, j’ai assisté à un atelier sur la courge et la formatrice nous a présenté une vidéo sur la pollinisation manuelle des cucurbitacées : https://www.youtube.com/watch?v=q9AFwHZl2VU
Il y a aussi d’autres vidéos sur la pollinisation d’autres légumes qui ont été publiées par cette personne.
Sylvain
Wow! Quelle belle surprise.
Merci d’avoir pris la peine de m’avertir.
Je rajoute ce lien très pertinent immédiatement à l’article.
Il y a tellement d’infos un peu partout que j’entends temps à autre.
Une chance qu’il y a de bonnes âmes pour m’aider.
Encore une fois merci!
Michel Richard
POTAGERS D’ANTAN