Notre passé regorge d’histoires de fruits et de légumes de notre patrimoine. Il suffit juste de creuser un peu… sans vouloir faire un jeu de mots « pouiche ». Parfois, je dois contacter des gens pour avancer mes investigations. Dans d’autres cas, je cherche dans de vieux livres ou fonds d’archives. Dans ce cas-ci, la recherche avait déjà été faite via d’anciens articles québécois de journaux et de revues. Comme aurait dit feu mon beau-frère: « la misère est optionnelle ». Je trouve seulement dommage qu’on oublie si vite ces petits récits. En tous cas, mes jeunes enfants n’en revenaient tout simplement pas du nom de ce légume à tel point qu’ils croyaient à une plaisanterie. Une conversation animée assurée si vous la présentez à vos convives lors d’un repas. Vous pourrez donc leur raconter cette histoire.
En 1999, Antoine d’Avignon, technicien en agriculture à la retraite, reçoit 3 tubercules de patates à la peau bleue bien particuliers de Louis-Marie Ouellet (1919-2001) de Saint-Onésime de Kamouraska. Monsieur d’Avignon, premier représentant de l’organisme pancanadien « semencier du patrimoine Canada » (section Québec), cultive déjà dans son potager de 150 mètres carré à Pintendre une centaine de fleurs et légumes quasiment disparus dont pas moins de 26 variétés de pommes de terre rares. Celle-ci qu’il appellera « crotte d’ours de Louis-Marie » en l’honneur de Monsieur Ouellet apprend qu’il l’a dorloté toute sa vie comme son père et son grand-père avant lui. Selon le magazine Bio-Bulle no.42 de 2003, il en aurait aussi transmis à sa fille pour continuer la tradition.
Toutefois, en 2000, Monsieur d’Avignon en remettra à un ami, Garrett Pittenger, aussi membre du semencier du patrimoine qui, une fois les tubercules multipliés, en enverra quelques-uns en 2001 au Centre de recherches sur la pomme de terre (Agriculture et Agroalimentaire Canada) pour sa conservation. L’organisme gouvernemental continue encore aujourd’hui de l’étudier et la cultiver pour conserver la souche intacte. Après des recherches, on soupçonne qu’elle origine d’Écosse sous les noms de Purple Cowhorn ou Seneca Cowhorn, des spécimens ayant transité avant 1853 par le Vermont (état de New-York) avant d’arriver jusqu’au Québec. Mais selon certaines sources, cette souche pourrait même avoir été cultivé avant 1800.
Quoi qu’il en soit, on la décrit comme possédant une chair blanche et une peau lisse violette relativement pâle. Excellente en friture. C’est surtout sa forme quelque peu courbée qui retient l’attention; plus petit à la base et s’accroissant vers l’autre extrémité. Variété de fin de saison, bonne conservation et résistance à la gale commune. Malheureusement peu productive. Pour obtenir des clones gratuitement, exempts de maladies à des fins de recherche seulement, contacter directement le centre de recherche sur la pomme de terre afin de télécharger un formulaire. Sinon, quelques semenciers artisanaux peuvent vous accommoder comme les jardins de Nathalie.
Saviez-vous que? Plusieurs anciens artistes reconnus se sont inspirés de la pomme de terre pour créer leurs œuvres. Par exemple, Vincent Van Gogh (1853-1890) réalisa des huiles de type « nature morte » ou pour illustrer des situations de la vie courante notamment celle intitulée « les mangeurs de pommes de terre« . Selon l’artiste: (traduction de l’anglais) « J’ai voulu, tout en travaillant, faire en sorte qu’on ait une idée que ces petites gens, qui, à la clarté de leur lampe, mangent leur pommes de terre en puisant à même le plat avec les mains, ont eux-mêmes bêché la terre où les patates ont poussé ; ce tableau, donc, évoque le travail manuel et suggère que ces paysans ont honnêtement mérité de manger ce qu’ils mangent. » (référence: Lettre 404 N à Théo, Nuenen, 30 avril 1885).
Inspirer par votre blogue, ma belle et moi avons commencé à faire pousser des patates à Boucherville devant la maison. L’an prochain, on va tester la crotte d’ours ! Beau travail.
Vous dites que nous pouvons demander de ces pommes de terre que pour fin de recherche…est-ce à dire que si je voulais l’essayer dans mon potager, je ne le pourrais pas? Félicitation pour votre beau travail. On y sent de la passion, un souci de recherche jusqu’à nous sortir des tableaux du champs de patates ! Merci et je vous suis périodiquement avec un grand intérêt.
Bonjour Madame Tremblay,
Qui ne demande rien n’a rien.
Le pire qui puisse arriver, c’est d’être refusée.
Dans chacun des rapports annuels du centre de recherche de la pomme de terre, on voit quand même un nombre significatif de demandes mais il n’y a rien qui indique qui fait la demande.
Dans un autre ordre d’idée, je vous remercie des bons mots. Je tentes réellement de donner un autre angle de vue en incluant notre patrimoine agroalimentaire et faisant des liens avec notre histoire culturelle québécoise (et d’ailleurs), la science, nos croyances et ce, sur un sujet peu étudiée…. Bref, montrer avec mes yeux et ma curiosité, toute la richesse que nos aïeux nous ont laissé. Merci de me lire!
Michel Richard
POTAGERS D’ANTAN