Je dois faire une confidence. Je redoute le moment où j’aurai à produire mes propres semences de maïs car j’habites une région agricole où il est roi… et avec OGM en plus. Il n’y a rien qui m’y oblige mais un jour, je veux tenter l’expérience. Pour ajouter d’un cran le niveau de difficulté, notre voisin producteur en fait pousser autour de notre propriété à quelques mètres de la bordure de notre terrain. De la monoculture à perte de vue. Pourquoi cette crainte?
Et bien, pour ne pas qu’il y ait croisement, un maïs devrait être éloigné minimalement de 3,2 kilomètres d’une autre variété. Une seule panicule peut fournir jusqu’à 5 millions de grains de pollen qui risquent, par autofécondation, produire des semences non conformes. Et comme, il est très facile de faire des croisements à cause des vents, je n’aurai d’autres choix qu’en faire manuellement. C’est très ardu. Si j’avais une barrière naturelle comme un brise-vent d’arbres d’au mimimum 15 mètres de hauteur suffisamment dense et large, je m’y lancerai mais je suis encore à me demander si l’expérience me tente cette année.
Ah oui, j’oubliais aussi de vous mentionner que vous devrez planter un minimum de 100 plants, idéalement 200 et certaines sources avancent le chiffre de 400 pour conserver une diversité génétique. Vos rangées devront être conçues pour former un carré. Et parmi ceux-ci, vous conserverez les 100 plus beaux spécimens, soit ceux répondant le plus aux descriptions du cultivar. Prenez l’habitude de les identifier avec un ruban de couleur. Ça prend donc, de l’espace, du temps, de l’énergie, du « timming » et de l’observation. C’est pas donné à tout le monde. Je vais donc tenter de vous expliquer cette technique le plus simplement possible. N’hésitez pas à poser des questions. J’ajouterai des infos au fur et à mesure.
- Avant tout, procurez-vous des sacs de papiers spécialement conçus à cet effet.
Fécondation croisée du mais (source: http://www.gnis-pedagogie.org/)
Seeds savers en offre (appelés « corn bags » en anglais mais « sac à soie » ou « isolateur » en français). Je cherche encore une ressource québécoise. En effet, un sac de papier conventionnel va se détériorer et se déchirer sous la pluie et les vents comparativement à ceux-ci conçus pour résister aux conditions climatiques extérieures. Il en existe deux sortes: sac pour panicules / sac pour épis. L’un adapté pour les panicules en papier brun huilé et l’autre pour les épis, habituellement transparent.
- Ensuite, après tout risque de gel au sol passé et celui-ci réchauffé, pré-germez vos semences avant la mise en mise en terre. Ça augmente le pourcentage de levée. Pour cela, faites-les tremper dans de l’eau tiède pendant 24 heures. Rincez et répétez le processus (2 fois par jour) jusqu’à ce qu’un germe pointe le bout de son nez (environ 2 à 3 jours). Ça vous permet d’éliminer tout de suite les graines non viables. Faites-en donc tremper davantage.
- Semez-les ensuite à 3.5 cm de profondeur, habituellement à 20 centimètres de distance, en rangs, espacés de 60 à 75 centimètres, dans une terre humide.
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Lorsque poussées, de vos 100 plus beaux spécimens, ensachez 50 épis (organe femelle) avant l’apparition des soie. (voir photo: épis de maïs (organe femelle)).
- Quelques jours plus tard, ensachez le panicule (organe mâle) des 50 autres plants (voir photo: panicules ensachées). Sur cette tige se formera les anthères (voir photos: anthères de maïs (organe mâle)) sur lesquels se libèrera le pollen qu’on récoltera pour en saupoudrer les 50 épis au moment voulu. Ce processus s’étale sur environ 2 à 3 jours.
- Sortez les épis de leur sachet et lorsque vous verrez sortir les soies (entre 2 et 5 cm de long), ramenez-les avec l’aide d’un canif, à 1 cm. Sinon, ensachez-les de nouveau jusqu’à la bonne longueur. Saupoudrez-les du pollen récolté. Ne tardez pas trop car les anthères parviennent à maturité rapidement. C’est pour cette raison qu’on suggère une pollinisation manuelle en matinée car la chaleur de l’après-midi risque de détruire la viabilité du pollen enfermé dans le sac. Écrivez sur le sachet la date de pollinisation avec l’aide d’un crayon feutre à pointe fine indélébile. Ça évite les erreurs. Agrafer le sac et laissez-le sur le futur légume jusqu’au moment de la récolte. Le vidéo ici-bas vous donne quelques infos pertinentes sur ce point. En faisant cela, ça empêchera la consanguinité.
- Pour augmenter encore vos chances, coupez les panicules des autres (voir photo: castration manuelle).
Castration manuelle du blé d’Inde (source: http://www.gnis-pedagogie.org)
- À cette étape, considérez les éléments suivants avant de choisir les spécimens sur lesquels vous récolterez vos graines: (1) Éliminer les plantes en bordure du terrain, trop sujettes à s’hybrider de manière accidentelle. (2) Mettez aussi de côté les plants rachitiques et « exit » aussi les spécimens non conformes. (3) Finalement, conservez seulement les graines médianes du légume. Les petites semences aux deux extrémités de l’épis n’ont aucune valeur.
- Les semences conservent une puissance germinative d’au plus 2 années. Mais l’idéal sera d’en produire à chaque année. Entreposez-les dans des sacs de papiers, au sec, en y inscrivant le nom du cultivar et l’année de récolte.
Comprenez-vous maintenant pourquoi j’hésites à produire des semences de maïs.
J’espère vraiment avoir été suffisamment précis. J’avoue que l’exercice peut paraître ardu et qu’il exige de nombreuses étapes mais la vigilance demeure la clé du succès.
À noter: Vous pourriez produire plus d’une variété en fonction de leur temps de floraison (ex: cultivar hâtif versus cultivar tardif).