
Et voilà! Une grande partie de mon travail printanier se veut presque terminé. L’une d’entre elle, la réalisation d’un jardin-partage pour un organisme d’aide en employabilité. Je le fais vraiment pour le plaisir et non pour l’argent. J’y vois le gain intérieur, l’impact auprès des gens; beaucoup plus qu’une simple équation de chiffres dans mon portefeuille. Et c’est souvent là le défi. Après plusieurs années à œuvrer auprès du communautaire, je ne m’étonne plus de constater l’immense fossé entre les besoins et l’offre. Par exemple, une grande municipalité m’a demandé un jour de confectionner le jardin potager d’un lieu historique. Après le tour de leurs attentes, arrive le moment de discuter du budget. Je ne vous dévoilerai pas le montant mais disons que la bourse était profonde; quasiment indécent.
En contre-partie, lorsque je m’assois avec la direction d’un OBNL, le processus d’évaluation se termine presque toujours de la même manière: « On veut un potager pour… (1) aider notre clientèle, (2) améliorer nos services, (3) répondre à un besoin spécifique … mais on n’a pas d’argent ». Le personnel bénéficie souvent de subventions modestes appuyé par une main-d’oeuvre ponctuelle (bénévoles, travaux communautaires, programmes d’insertion, stages, etc.). Où sera situé le site? Avez-vous les autorisations pour y construire ce genre projet? Où se situe votre source d’eau? Avez-vous de l’outillage? Qui arrosera, désherbera, récoltera, entretiendra? Comment allez-vous disposer de vos déchets végétaux? Quel sera son objectif principal et sa clientèle?
De fait, l’un voudrait briser l’isolement des personnes âgées, l’autre développer des compétences auprès des jeunes. Certains voudront un lieu d’échange pour les immigrants tandis qu’il deviendra une source de découverte et d’expérimentation pour les touts-petits d’une garderie. On ne construit pas un potager de la même manière s’il se destine à des gens à mobilité réduite versus à des étudiants d’un programme d’études en agriculture écologique.
De même, les plantes à inclure vont différer entre des gens n’ayant jamais cuisiné de leur vie en comparaison à des végétariens aux connaissances culinaires et gustatives évoluées. Novices, expérimentés, allergies, dégoût face aux vers de terre, handicap (physique ou mentaux), espace, type de terre deviennent autant d’enjeux à considérer. Mais, la finale reste trop souvent la même: 0$ (ou tellement minime) pour le financement. Je dois tempérer les attentes car la croyance selon laquelle c’est facile de jardiner et que ça ne coute pas cher prévaut.
En fait, oui, c’est facile de jardinier chez-soi. Extrêmement facile! Mais qu’un jardin joue un rôle précis (éducatif, social… à la limite pour combler des besoins de base) en lien avec la mission d’un organisme, c’est pas pareil du tout. De mon côté, ça ne me dérange pas de laisser pousser les mauvaises herbes ou laisser sécher mes plants par temps sec. Pour tout dire, je n’arrose quasiment jamais. Si je rate mes oignons, j’irai en acheter à l’épicerie à 0.99$ le sac de 5 lb en spécial. Je fais ça pour moi, pour mon plaisir.
Toutefois, pour un jardin-potager lié à des œuvres caritatives, on veut que ça fonctionne. Qu’il prenne le moins d’énergie à réaliser, à entretenir et à récolter pour un maximum de résultats. On veut qu’il soit beau, facile d’entretien, peu compliqué (car les responsables n’ont habituellement aucune expérience ou intérêt en jardinage), productif, durable, écologique, ludique… Ça fait beaucoup sur mes épaules en sachant qu’on me demandera de former les gens par la suite. Je dois donc sortir toutes mes notions de cultures modernes, tirer les ficelles du financement obligatoire et ce, jumelées aux trucs de nos anciens; lesquels faisaient tout avec rien. Et, voilà ici-haut, le réalisation. J’avoue qu’ajouter une pandémie où tout le monde travaille à distance, porte des masques en présentiel (même dehors) et les tests de détection créent un degré de difficulté difficile à battre. À cause de ce dernier élément, le projet s’est échelonné sur presque deux ans.
Ainsi donc, on voit une partie jardin (encore en devenir) et une section échange. Car l’un des objectifs étant de créer un endroit où des jeunes en difficulté hors du réseau scolaire et du marché du travail réaliseront des projets horticoles dans un lieu d’échange autre qu’une salle de classe. Ce jardin sera aussi dédié aux membres issus de la communauté immigrante (réfugiés, non citoyens, etc.), lequel sera converti pour un lieu d’inclusion à la société québécoise. Il est important de souligner que de nombreux employés engagés à la cause environnementale se sont portés volontaires pour m’aider dans ce processus. Ça fait toute une différence. Leur réflexion et leur dévouement ont permis de redonner vie à un lieu perdu, juste bon pour la tonte de pelouse. Ils ont donc pu:
- Délimiter un espace avec une clôture en métal durable (une obligation par le propriétaire du terrain), laquelle donnera davantage d’intimité et sera utilisée pour des cultures en hauteur, l’une des caractéristique majeure de ce jardin. Tout sera érigé comme en témoigne les pots en toile géotextile. D’autres structures en hauteur seront bâties par les jeunes (tours à fraise, tipis en bambous, arbres en pots, etc.).
- Étendre des bâches agricoles pour tuer la mauvaise herbe et éventuellement planter d’autres plantes alimentaires vivaces au printemps prochain. Cela évite de détourber et les mauvaises herbes se composteront.
- Encourager l’achat de matériel locaux de fournisseurs sensibilisés à la cause communautaire. Par exemple, les tables de pique-nique ont été conçues par une entreprise d’économie sociale. Chaque pot en toile géotextile a permis de faire un don au Club des petits-déjeuners.
- Privilégier les 5R (récupération, réduction, revalorisation, ré-utilisation, réparation). Nous avons donc eu de nombreux dons: paillis, boîte à compost, plantes, récolteur d’eau, pots de fleurs, boutures faits à partir de plants- mères, etc.
- Plusieurs subventions ont été obtenue par des bailleurs de fonds liés à la cause. L’inauguration devrait se dérouler en septembre 2021. Des affiches en bois seront conçues par des jeunes qui s’initieront à un projet de Fab-lab. Elles seront installées sur les clôtures en remerciements.
Hier, toute l’équipe a pu se rassembler une première fois ensemble pour un repas et des jeux afin de célébrer sa réalisation et le retour à une vie professionnelle plus normale. Même petit, il a pu apporter de la joie, des rires et une ambiance festive trop longtemps oubliée. Ça part bien.
Vous souhaiteriez vous aussi démarrer quelque chose dans votre communauté? Il existe plusieurs ressources documentaires pour vous aider à planifier. Je vous en dresse quelques exemples: (1) Guide pour la création ou l’accompagnement d’un jardin communautaire ou collectif, (2) Démarrer un jardin partagé en milieu urbain, (3) Guide pratique pour démarrer un jardin communautaire en milieu rural, (4) Cadre de référence pour les jardins communautaires et collectifs. Si vous jamais, vous vous dirigez vers cette voie, un simple conseil… entourez-vous. Et qui sait! Peut-être deviendrez-vous le/la prochain.e Liz Christy d’un nouveau style de jardinage.