Le 26 janvier 2020, je reçois un commentaire sur mon blogue de James S. Marshall. Il prétend connaître l’histoire de cette tomate. Enfin!, me dis-je, mes multiples prières vont peut-être se voir exaucées. Vous l’aurez lu, j’attends une version crédible depuis longtemps; presque 20 ans. Fébrile, je garde mon calme car la recherche historique du monde des anciens fruits et légumes recèle trop souvent son lot de déceptions. Mais, des perles se présentent parfois sans crier gare. Serait-ce l’une d’entre elles? En conservant une certaine réserve, il éveille vraiment mon attention lorsqu’il pointe l’image de ma tomate dans mon article (voir photo ici-dessous). Celle-ci, selon ses affirmations, devrait être beaucoup plus ronde et d’une grosseur maximum de 5 pouces (13 cm) de diamètre. Alors là, cette description hyper précise me fait un peu plus considérer le sérieux de l’expéditeur.

Fausse représentation sur le web de la tomate Montreal Tasty, une tomate où deux types de tomate semblent pousser côte-à-côte, l’une côtelée et l’autre lisse.
Pour revenir un peu en arrière, cette supposée « mauvaise » photographie, prise à mes débuts de gentleman farmer, correspondait aux critères de l’époque et validée par des collectionneurs sérieux. Après l’avoir fait pousser, elle répondait parfaitement aux descriptions véhiculées sur cette dernière (hauteur du plant, forme des fruits, couleur, etc). Comment expliquer cela alors?
Monsieur Marshall commença son récit à savoir que dans les années 1980, il fit un échange avec un américain contre des semences de tomate John Baer, une variété qu’il avait souvent semée mais perdue. Cet américain lui aurait alors déclaré posséder plus de 100 cultivars de tomates. N’ayant jamais fait aucun autre échange par la suite, il réalisa un jour qu’une tomate de ce nom circulait sur Internet mais elle ne ressemblait pas du tout à la sienne. Il soupçonna cet homme d’avoir fait d’autres échanges et qu’aux travers de ceux-ci, il y aura sûrement eu une personne peu soucieuse de la pureté de la lignée. L’histoire aurait donc débuté sur une fausseté et aujourd’hui, il souhaiterait rectifier les faits; d’où sa communication avec moi.
Ainsi donc, après quelques coups de téléphone et plusieurs messages courriels plus tard (presqu’un an), j’ai pu assembler son récit. Je remercie toutes les personnes (certaines souhaitant rester dans l’ombre) pour leur temps, les photographies et leur grande générosité à replacer l’histoire de cette tomate dans son réel contexte.
L’origine de la Montreal Tasty
Au milieu des années 1960, le jeune James S. Marshall habite à Benny Farm, un développement résidentiel montréalais du quartier Notre-Dame-de-Grâce, près de l’école Ste-Monica. Avec sa famille, ils ont l’habitude de faire leurs courses au marché Atwater. Son père remarque qu’à la fin de leur journée, les agriculteurs jettent leurs tomates non vendues mais, curieusement, rachètent celles d’une vieille dame dont le kiosque en contient uniquement deux sortes sans nom. Un jour, il décide d’acheter les deux types et, par la suite, il en conserve les semences. Plus tard, à la mort de la dame, personne n’eut l’air de reprendre sa relève au marché et son père ne revit jamais ces deux variétés nul part ailleurs.
Il les cultiva ainsi chaque année jusqu’en 2014 dans des contenants près de ses fenêtres et sur le balcon de son appartement. La première variété, qu’il nomma « Montreal Tall » montre une hauteur du plant plus élevées et des tomates légèrement plus petites comparé à la deuxième évaluée à environ 110 grammes (4 oz). La deuxième, plus trapue, paraissait mieux adaptée à la culture en pot sur un balcon et fût appelée « Montreal Tasty ». Avec tout son bagage d’expérience, James S. Marshall explique qu’elles ont tendance à mieux performer lorsqu’elles ne sont pas bien traités (après ±48 ans de vent, un soleil limité, dans des contenants dont le volume de sol ne dépasse pas 2 à 3 pieds cubes). À la demande de son père et le sachant plus intéressé par le jardinage comparativement aux autres membres de sa famille, celui-ci repris la culture des tomates en 1983 pour le rassurer qu’elles survivraient. Jusqu’à aujourd’hui, il alterne chaque année chacune des deux variétés de sorte qu’il n’y ait jamais de pollinisation croisée.

Voyage de pêche du père de James S. Marshall au nord de l’Ontario à la fin des années 1970. (Photo: James S. Marshall)
Trucs pour la culture de la tomate « Montreal tasty »
Variété aromatique rouge vif à peau fine destinée aux jardiniers amateurs ou ceux souhaitant faire pousser un petit nombre de fruits pour la cueillette à la main dans de petits espaces. Voici quelques conseils:
- Beaucoup de soleil et à l’abri du vent si cultivée dans des contenants sur le balcon.
- Tailler pour contrôler la hauteur de la plante.
- Si cultivée à l’intérieur sur le rebord d’une fenêtre, la traiter comme une plante vivace. Élaguer en ne laissant pousser que les tiges. Une fois par an, vous pourrez refaire des rejetons à partir des tiges. Elles repoussent mieux ainsi plutôt qu’à partir des graines.
- Utiliser la plus grande cage à tomate que vous trouverez pour la faire pousser à l’extérieur et pour la tuteurer.
- Exige un sol meuble avec beaucoup de compost, de la matière végétale avec un peu de farine d’os ou quelques douzaines de coquilles d’œufs écrasées mélangés à la terre pour donner du calcium et prévenir la pourriture apicale.
- Utiliser très peu d’engrais, sinon en très petite quantité à la fois.
- Garder le sol humide constamment sinon les fleurs vont faner sans produire de fruits. Éviter aussi l’arrosage excessif. Pailler pour empêcher l’eau d’éclabousser et d’atteindre les feuilles propageant des maladies.
- Ne jamais planter au même endroit d’une année à l’autre.
- Si jamais la terre s’assèche et que les fruits arrivent à maturité, prévoyez reprendre l’arrosage de manière progressive sur 3 à 4 jours. Sinon, les fruits éclateront.
Honneur à une famille d’hybrideurs
Dans nos entretiens, Monsieur James S. Marshall fit mention qu’il descend d’une lignée d’agriculteurs hybrideurs. Il donne l’exemple de son grand-père et son arrière-grand-père (tous deux du même nom que lui), arboriculteurs fruitiers à Hamilton en Ontario. Son grand-oncle, Cecil Marshall, devint floriculteur et juge à Hamilton. Il créa notamment des glaïeuls géants dont sa première création, nommée « Albatross » un glaïeul blanc atteignait près de 6 pieds (1.8 mètre). Ce dernier, souhaitant redonner à sa mort ses registres de sélection et ses bulbes à James S. Marshall, sa tante en décida autrement et brûla tout.
Son autre grand oncle, Henry Heard Marshall, fût lui aussi un hybrideur réputé œuvrant à la ferme expérimentale du gouvernement canadien à Morden, au Manitoba. Il joua un rôle important dans le développement de roses de la série «Canada», la monarde Marshall’s Delight (résistante à la moisissure), la « Petite Delight », « Petite Wonder », etc… Il a aussi développé une variété de tomate résistante au vent appelée «Starfire».
Pour obtenir la « vraie » tomate Montreal tasty, commander via le site des Semis urbains. Pour sauvegarder cette variété, Monsieur Marshall a offert ses semences à cette entreprise pour que les responsables puissent les reproduire. À mon tour, je souhaite contribuer afin qu’elle reprenne sa place vraie place dans l’histoire de la belle province. Reproduction des photographies interdites sans l’accord de James S. Marshall.
Très bon travail de recherche qui remet les points sur les i, avec de bons conseils en bonus. Merci et félicitation Michel pour toutes ces recherches. Je vais l’essayer l’an prochain.
Merci Hendrick,
C’est toujours un plaisir de lire tes commentaires.
Michel Richard
POTAGERS D’ANTAN