Dans la partie 2, je vous laissais avec la trahison de Napoléon Bonaparte par le tsar Alexandre 1er; ce dernier laissant passer le chanvre en contrebande aux profits de son ennemi. Pour envahir la Russie, Bonaparte devait avoir une réelle crotte sur le cœur face à cette plante car, lors de sa campagne d’Égypte le 1er juillet 1798, il évita un attentat perpétré par un musulman intoxiqué au haschisch. Selon le site d’histoire de la fondation Napoléon, lorsque Bonaparte fit l’association et compris les effets psychotropes dévastateurs de la substance, il en interdit l’usage par le premier texte de loi au monde contre une plante mentionnant ouvertement ses risques potentiels. Sous l’injonction de Bonaparte, le 9 octobre 1800, cette ordonnance entendait mettre un terme à la consommation de haschisch et de graines de chanvre par les soldats du corps expéditionnaire. Ceux enfreignant cette ordre, se voyaient passible d’une peine de prison de 3 mois. Et, on connaît la suite… c’est tout le contraire qui arriva.
En effet, dans l’Europe du 19e siècle, la mode vibrera au cannabis. L’orient et ses mystères provoqueront les passions; notamment le fumage du haschisch selon la méthode de la pipe à eau. Même la reine Victoria deviendra une adepte de la confiture de haschisch pour calmer ses menstruations douloureuses, comme bon nombre de femmes de l’époque.

Américains fumant la pipe à eau dans un bazar turc (image: Historical register of the centennal exposition, 1876)
À la fin du 19e siècle, les immigrants indiens introduisirent le cannabis au Mexique où il prendra le nom de « marijuana » et deviendra le symbole de la révolution « Pancho Villa » avec la chanson « la cucaracha« , un cafard ne pouvant plus avancer faute de cannabis à fumer. Les mexicains reprennent la manière d’apprêter le chanvre indien pour y fabriquer toutes sortes de produits (chapeaux, sacs, tapis…).
Du Mexique, la marijuana voyagera jusqu’au sud des États-Unis. Les noirs des plantations de coton la consommèrent pour apaiser leurs conditions rendus encore plus difficile par la crise économique. Puis, ce sera au tour des villes comme Dixiland et Louiseville de découvrir la fièvre de la marijuana, connue sous le nom de « FEVER ». En quelques années, les chansons sur l’herbe feront fureur et les clubs de musique fleurissent partout où la communauté noire s’est établie. Cette fièvre, associée à un nouvel industrie du chanvre, combiné aussi aux dangers de la consommation d’alcool commence à faire parler d’elle dans les coulisses du pouvoir américains. L’étau se resserre.
En effet, en 1911, la Nouvelle-Orléans, puis la Louisiane, le Mississippi et autres états le long du fleuve Mississippi prohibèrent la consommation de mari. L’alcool commence aussi a être reconnue comme un danger par la société. Les femmes font pression pour interdire la vente d’alcool; qui redeviendra de nouveau légal en 1933.
De même, considéré comme démoralisant pour les soldats français, le haschisch est interdit au beau milieu de la première Grande Guerre, un an après l’absinthe, par la « loi sur les substances vénéneuses » du 12 juillet 1916 au même titre que la morphine ou la la cocaïne. Aux États-Unis, à cette époque, Harry J. Anslinger, personnage politique influent, s’est dit: « interdisons le chanvre ». W. Randolph Hearst, magnat de la presse écrite, l’a suivi ainsi que la compagnie Dupont, une entreprise de produits chimiques. Les trois groupes formèrent un lobby rejoint par l’industrie du coton pour interdire le chanvre. La raison derrière ce front commun résidait dans le ré-intérêt économique relatif au chanvre. Par exemple, avant les années 1930, il fallait 300 heures pour planter, ramasser et extraire la fibre d’un acre de chanvre. Par la suite, ce temps de 300 heures pour un homme tomba à 1 heure par homme avec l’utilisation des nouvelles machines.
Qui plus est, la fibre atteignit une qualité exceptionnelle. Ça aurait été le début de la fin pour les autres fibres naturelles et synthétiques comme le nylon; n’étant plus compétitive face au chanvre, la fibre étant moins coûteuse, plus solide et plus douce par surcroît. Par ces arrières jeux de pouvoir, le gouvernement américain interdira une fibre et obligea le monde entier à faire de même. C’est peut-être une raison qui explique pourquoi il n’y a jamais mention de cette plante dans aucun des anciens catalogues de semences québécois ou canadiens. Comme si elle n’avait jamais existé.
Pourtant, dans le Journal des campagnes du 21 août 1884, M. Paul de Caze dresse une liste de plantes recueillies, en fleur, durant sa promenade qu’il vient de faire dans le golfe Saint-Laurent, avec indication des lieux et les dates auxquelles ces plantes ont été cueillies. Cette photographie ci-dessous de 1938 montre également un toit d’un bâtiment agricole de la région de Yamachiche conçu avec du chanvre.
Quoi qu’il en soit, l’invasion par le Japon de la Chine et des Philippines, gros producteurs de chanvre, provoque un rationnement. De son côté, comme de nombreux grands chefs militaires avant lui, Hitler prend conscience de son importance car il entre dans la fabrication de nombreux équipements de guerre. Lorsque les troupes allemandes envahissent la Russie, en 1941, elle coupe voie au chanvre russe. L’Allemagne continue de produire cette fibre mais prive l’Angleterre de cette matière primordiale à l’effort de guerre.
En 1942, les troupes allemandes atteignent le cœur de la Russie Leur pays continue néanmoins à produire encore du chanvre. Il permet à Hitler de préparer ses prochains projets militaires. Pour protéger son approvisionnement, l’Angleterre demande à l’Inde d’accroître sa production. Pendant ce temps, la guerre gagne du terrain au Japon. Lorsque les japonais bombardent Pearl Harbor, ils obligent les américains à entrer en guerre. Ceux-ci s’aperçoivent qu’ils n’ont plus accès à leurs sources d’approvisionnement en chanvre. Car, malgré tout, les États-Unis dépendent entièrement du chanvre pour les cordages. les fils et ficelles pour les chaussures ainsi que des équipements divers. Ils décidèrent de démarrer une industrie de guerre pour le chanvre. Ils légalisèrent à nouveau la marijuana et distribuèrent des graines à ses fermiers. Ils adoptèrent même un chant « du chanvre pour la victoire » pour encourager cet effort de guerre.
Les forces aériennes des alliés dépendaient complètement du chanvre. Les sangles des sacs à dos et les parachutes étaient confectionnés de chanvre. La guerre enclenche une véritable recherche dans ce secteur pour trouver toutes sortes de débouchés utiles à cette plante. Par exemple, en 1941, Henry Ford inventa la « hemp car » ou la « voiture de chanvre », une carrosserie composée à partir de fibres de cellulose de paille de blé, de chanvre et de soya ainsi qu’un liant à base de résine. Plus résistante que l’acier, un coup de massue n’arrivait pas à l’endommager.
Néanmoins, une fois les japonais chassés des Philippines en 1944, les niveaux de production de chanvre d’avant-guerre reviennent à la normale. Après les années de guerre, un nouveau monde apparaît. L’Inde obtient son indépendance grâce à la mécanisation; le pays double sa production et peut développer ses exportations vers les États-Unis et le reste du monde. Comme par hasard, les américains interdisent de nouveau la culture du chanvre sur leur territoire mais en important des milliers de tonnes pour approvisionner l’industrie lors du boom économique.
La France quant à elle, malgré la prohibition des États-Unis, continue à produire du chanvre jusque dans les années 1950. Mais le développement des fibres synthétiques un peu partout dans le monde a drastiquement fait baisser cette production jusqu’à ce que l’industrie textile du chanvre meurt de sa belle mort à la fin des années 1960. Durant ces années, les groupes rock (ex: les Rolling Stones) et les hippies encouragent la consommation de cannabis. En 1970, les Rastas en Jamaïque consomment le cannabis pour communiquer avec leur Dieu; qu’ils considèrent comme la nourriture spirituelle. Toujours dans les mêmes années, le cannabis est légalisé à Amsterdam. « Ben Dronckers » devient le premier producteur de marijuana au monde millionnaire avec son entreprise Sensi seeds.
Bon, après 2 mois j’arrête cette incursion dans l’histoire fantastique du cannabis. J’aurai sûrement pu écrire un livre tellement son passé recèle d’anecdotes. Peut-être qu’un jour, j’écrirai une partie 4, plus spécifique à notre Québec comme complément d’information. En attendant, sur une note plus moderne, je vous suggère de lire « La petite histoire du Jean-Guy« , ou « Qui choisit les noms des variétés de cannabis« .
Merci Michel, vous avez fait un travail formidable.
C’est vraiment intéressant et vous avez une façon formidable de nous faire comprendre l’histoire de cette plante quelque fois adulée et d’autres fois démonisé Vos recherches sont tout à fait exceptionnelles .Elles nous aident à bien comprendre l’histoire de cette plante et sa valeur historique et culturel pour l’humanité. J’attends avec impatience la partie 4 au sujet de sa présence au Québec. A très bientôt, j’aime toujours vous lire car vos sujets sont tellement intéressants.
Ceci dit …..je ne consomme pas de chanvre!!!