Le froid… Brrrr! En voyant le petit tapis de neige cette semaine, j’ai compris qu’encore une fois, nous n’allions pas y échapper. Comme bon nombre de québécois, j’ai une relation ambiguë avec la température, surtout en bas du 0. La belle province (moi inclus) aurait tout intérêt à considérer l’agriculture hivernale comme une opportunité, une ressource sur laquelle composer pour se démarquer en agriculture. Concentration des sucres dans la plante, quasi aucun insecte, endormissement des mauvaises herbes, un sol humide constant ne sont que quelques-uns des avantages en faisant abstraction des engelures bien sûr. Suffit de trouver des plantes capables de résister comme celle-ci.
De fait, en 2002, l’écrivain britannique Stephen Barstow reçoit un courrier électronique de la suédoise, Lena Israelsson. Elle lui explique qu’elle a déjà écrit plusieurs livres touchant les légumes et les herbes et se dit très intéressée d’essayer de nouvelles espèces, plus spécifiquement des oignons rustiques originaires de Stockholm, son lieu de résidence. Après échange et en guise de remerciements, elle lui fait parvenir deux bouquins. L’un d’entre eux, intitulé « Köksträdgården: Det Gröna Arvet » (pouvant être traduit grossièrement en français par: « La cuisine du jardin: notre patrimoine comestible »), écrit en 1996, fût une révélation pour lui. Parmi les légumes inhabituels mentionnés dans l’ouvrage, un lui est complètement inconnu; le Hablitzia tamnoides. Sans nom anglais officiel, on le surnomme de manière familier comme l’épinard du Caucase. Après maintes recherches, tant littéraires qu’auprès d’organismes de sauvegarde d’espèces horticoles menacées, il réussit à obtenir des semences grâce a un échange avec un autre suédois.
Selon les écrits de Madame Israelsson, cette variété vivace originaire du Caucase (présente tant au sud qu’au nord), survit dans les forêts d’épinettes et d’hêtres, parmi les rochers à flanc de ravin et le long des rivières. Nommé en l’honneur de Carl Ludwig Hablizl (1752-1821), un botaniste du 18e siècle et vice-gouverneur de Crimée, l’épithète « tamnoides » quant à lui fait référence à sa ressemblance avec la Black Bryony (Tamus communis), un autre cultivar indigène trouvé dans le sud de l’Angleterre, lui aussi alpin et ressemblant à la plante. Dans l’antiquité, les jeunes pousses de Tamus se voyaient apparemment préférées aux asperges et elles s’utilisent encore de nos jours dans divers plats traditionnels printaniers composés d’une cinquantaine d’herbes sauvages et ce, plus particulièrement en Italie. On aurait même retrouvé des graines dans les cales des drakkars vikings retrouvés dans les tourbières danoises d’Oseberg en Norvège occidentale. Vers 1870, la plante aurait été introduite dans les jardins comme grimpante mais il aura fallu quelques années pour découvrir son caractère comestible. Elle n’a jamais eu une très grande popularité mais elle peut s’enorgueillir d’avoir été cultivée dans certains des plus grands jardins de manoir.
En effet, notre spécimen peut grimper jusqu’à une hauteur entre 2 et 3 mètres sur une période échelonnée entre le printemps et le début de l’été. Les feuilles de la base, en forme de cœur, possèdent une longue tige. Les fleurs vertes et petites rappellent un peu le manteau de l’Alchemilla sp.. Les graines, plutôt inhabituelles et petites (environ 1,5 mm) deviennent, à maturité, noires et très brillantes. Elle se multiplie soit via ses graines ou par division des racines. Rustique jusqu’à -40 degrés Celsius, seules les limaces attaquent les jeunes feuilles. Sinon, il n’y a plus de problèmes ou de maladies connues.
Des références littéraires du 19e siècle estiment qu’il se répand comme de la mauvaise herbe mais on l’a trop souvent confondu avec son cousin le chénopode Bon-Henry (Chenopodium bonus-henricus), connu pour son envahissement. La stratification (traitement par le froid) aide à la germination des graines. Au début de son stade de croissance, elle poussera lentement la première année. Mais celui-ci s’accélère dans la seconde pour atteindre sa pleine maturité. À la fois heureux au soleil ou à l’ombre, elle peut s’accommoder du couvert forestier. Cela en fait ainsi une plante fantastique dans un jardin-forêt. Peu exigeant côté fertilisation, elle résiste à la sécheresse et aussi aux gelées tardives. Il pousse même en période de froid sous un couvert de neige et vous pourrez déjà récolter des pousses très tôt au printemps. Vous pourrez l’apprêter partout où l’on exige des épinards. J’oubliais, on estime sa survie entre 20 et 50 ans. Que des avantages pour une culture permanente. Vous pouvez vous en procurer parmi de très rares semenciers au Québec ou au Canada.
Intéressant, un peu comme le bon vieux plant de rubarbe une vivace commestible qu’on aurais intéret à avoir dans nos jardins.
Oh bonjour,
Belle découverte, je pense qu’il se plairait dans mon jardin, en effet celui ci a beaucoup d ombre …. merci