Piment fort Carolina Reaper ou la « faucheuse de Caroline » (Photo: puckerbutt pepper company)

Comme les scorpions et les araignées, les plus petits piments s’avèrent les pires. Le premier, surnommé en français la « Faucheuse de la Caroline » ou Carolina Reaper (capsicum chinense), se veut depuis 2013 le piment le plus fort au monde selon le Guinness des records en se basant sur l’échelle Scoville. Mais son titre devrait tomber éventuellement pour le « Dragon’s breath« , encore plus fort. Pour vous donner une idée de leur force, sachez qu’un piment doux se situe entre 100 et 500 unités sur l’échelle Scoville comparativement à, 1.6 et 2.2 millions unités pour le Carolina Reaper et supposément 2,48 millions unités pour le Dragon breath. Outch! Ce dernier, créé par les chercheurs de l’université de Nottingham Trent au Royaume-Uni mais aujourd’hui propriété de Mike Smith des entreprises Tom Smith Plants est mortel à l’ingestion. Et, je pèse mes mots car à cette puissance, il devient suicidaire d’en manger avec d’atroces souffrances.

Mike Smith propriétaire du Tom Smith Plants et le piment dragon breath (image: http://www.telegraph.co)

Inutile de vous dire de les manipuler avec très grand soin en portant gants de caoutchouc épais, masque pour respirer et lunettes de protection si vous récoltez les semences. Pas de farce! Pour celles et ceux s’étant risqué à manger un Carolina Reaper, plusieurs incidents rapportent des crises cardiaques, des migraines intenses instantanées et des brûlures d’estomac menant à l’urgence. Touchez l’intérieur du légume pour ensuite vous gratter la peau et vous le regretterez, surtout les yeux. Pour une description intéressante suite à la consommation d’un huitième du Carolina Reaper frais, regardez la vidéo du québécois Sébastien Roy. De par les commentaires de son créateur américain, Ed Currie, le goût de départ vous paraîtra sucré mais très rapidement s’enclenchera une détonation nucléaire gustative en chaîne augmentant en intensité et en chaleur au fur et à mesure des secondes. Et ça prendra du temps avant de s’atténuer. Votre corps réagira très fortement. Vous n’avez qu’à consulter les multiples vidéos sur YouTube des inconscients ayant tenté l’expérience pour vous en convaincre.

On a même créé une seule et unique chips assaisonnée avec cette variété. Ce « one chip challenge » ou, en français, ce « défi d’une croustille », me fait frémir juste en regardant la boîte.

En fait, la responsable de cette sensation de chaleur exacerbée s’appelle la capsaïcine, une molécule présente un peu partout dans le corps qui active des récepteurs notamment sur la langue. Elle stimule les muqueuses faisant croire au cerveau qu’elle est en feu. En trop grande quantité d’absorption, vous pourriez subir des séquelles à l’estomac jusqu’à vomir du sang car les vaisseaux sanguins se dilateront de manière trop subite à cause de la pression pour évacuer cette « fausse menace ». Alors si vous les cultivez, dressez un périmètre de sécurité et avertissez les visiteurs du risque et péril.

Ed Currie (photo: The New Yorker)

Cette course au piment explosif existe depuis longtemps mais elle a pris un nouveau tournant au début des années 2000 via l’entreprise américaine PuckerPutt Pepper Company. Ed Currie s’est amouraché de la culture des piments forts au point où aujourd’hui, il a combiné diverses souches pour offrir une multitude de variétés sous des appellations anglaises évocatrices telles: Chocolate scorpion ou Trinidad Viper x Purple Bhut.

De plus, il tente de dépasser son propre record d’intensité en créant un autre légume encore plus piquant, le pepper X,  pour atteindre le score de 3 180 000 unités sur l’échelle Scoville. Malade! Une autre preuve que le potager peut recéler de véritables merveilles par le génie et la patience d’hybrideurs. Mais pourquoi de telles bombes?

Piment « Pepper X » (image: tastingtable.com)

En fait, pour l’industrie alimentaire, ces créations deviennent très intéressantes car cette puissance « naturelle » équivaut à moins en insérer dans une recette pour le même pouvoir piquant. Donc, moins dispendieux et sans recourir a des molécules synthétiques. L’attrait sans cesse croissant aussi des clients pour des saveurs rehaussées encourage l’ajout du piquant dans les recettes. Ainsi, un simple petit bout peut assaisonner toute une grosse recette dans les chilis, sauces au piment fort, salsas, etc. Je me demande où ça va s’arrêter.

Wilbur Lincoln Scoville (image: Wikipédia)

Saviez-vous que? À partir de 1912, Wilbur Lincoln Scoville (1865-1942), pharmacien américain, s’intéresse à la piperine, une molécule présente dans le poivre qui lui donne ce goût de piquant. Travaillant pour la société pharmaceutique Parke-Davis, aujourd’hui connue sous le nom de Pfizer, ses travaux l’amènent à toucher aussi à la capsaïcine et il bifurque vers l’élaboration d’un test connu sous le nom de « Scoville Organoleptic Test » pour déterminer la puissance d’un piment. Pour cela, il appuie ses observations sur les papilles d’un groupe de volontaires ayant goûté une solution de piments diluée dans du sirop de glucose. Peu à peu, la quantité de sirop allait en augmentation jusqu’à ce que toute trace de chaleur ait disparue. Les cobayes notaient chacun des piments sur une échelle entre 0 et 300 000. Aujourd’hui, cette échelle s’élève jusqu’à 16 milliards d’unités.