À chaque année, mon père achetait un beau rameau béni tressé. Activité de financement pour l’église de notre paroisse, c’était aussi un moment de se rappeler la résurrection de Jésus et la fin prochaine du carême. Gamin, je l’associais davantage au chocolat, congés scolaires et rassemblements familiaux. Il le plaçait au-dessus de sa porte d’entrée entrelacé avec la croix de Jésus. Bien qu’il soit en évidence chaque fois qu’on sortait, on l’oubliait… jusqu’à l’année suivante. Vert tendre au début, il jaunissait. Il y a de ces petites traditions québécoises qu’on a tendance à oublier. Aujourd’hui, lors du dîner de famille avec mes enfants confinés, j’ai levé mon verre au « dimanche des rameaux » en souvenir de cette période. Hein! « C’est quoi ça? », dit aussitôt ma fille de 14 ans. Ce fût l’occasion, pour leur plus grand bonheur (noter ici ma pointe d’humour) de leur faire un brin d’histoire religieuse en l’associant à mon sujet préféré le monde végétal.
De fait, la fête des Rameaux rappelle l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem quelques jours avant sa crucifixion. En référence à l’Évangile, Jésus arrive dans la ville de Jérusalem à dos d’âne. En comparaison aux rois se promenant en char ou à cheval, il se présente seul sur un âne, le moyen de transport des pauvres. Aux portes de la ville, le peuple rassemblé l’acclame en grand nombre pour la Pâques. On agite devant lui ce qu’on trouve sous la main notamment des rameaux en guise de salutation. On lance son passage des branchages et étend des manteaux sous les pas de sa monture. Les plantes utilisées étaient soit des branches de palmiers, soit des rameaux d’oliviers. C’est pourquoi maintenant, le « Dimanche des Rameaux » se célèbre le dimanche précédent Pâques. Durant cette célébration, il y a, entre autre, une procession jumelée de chansons pour acclamer le Christ-Roi, un roi humble et pacifique qui ne cherche pas à s’imposer par la force. L’essence des arbres utilisée pour commémorer cet événement diffère d’un pays à l’autre. Jadis, au Québec, on choisissait le sapin ou le thuya.
En effet, les palmes qu’on vendait de porte en porte étaient souvent trop dispendieuses ou n’arrivaient pas aux campagnes. Ainsi, les plus riches en achetait, mais, le plus souvent, on allait chercher des branches de conifères dans le boisé. Il arrivait de temps en temps qu’on recycle aussi quelques branches du sapin de Noël conservées pendant l’hiver dans la neige. Elles ne pouvaient être tressées mais plutôt attachées ensemble. On disposait ces rameaux de fortune un peu partout dans la maison, surtout sur les crucifix. Mais ils se retrouvaient de temps en temps dans les granges, greniers, étables et parfois jusque dans les voitures. On verra plus tard l’utilisation de brins de gerbes de blé. On lui attribuait la vertu de protéger contre le « Malin » mais aussi contre les orages et la maladie.
Bref, on le trempait dans l’eau bénite pour s’en servir et asperger ce qu’on voulait protéger. Il est important de souligner qu’on ne pouvait jeter cet objet béni comme un simple objet usuel. La pratique voulait qu’il soit remis à l’église pour être brûlé. Les cendres obtenues s’utilisaient lors du « Mercredi des cendres ».
Je me suis souvent demandé comment tresser un rameau.
En fait, selon mes nombreuses lectures sur le sujet, il ne semble pas exister une technique particulière pour le tressage du rameau. Chacun peut se laisser aller à son imagination tant au nombre de feuilles qu’au modèle préféré. Mais, on voit une récurrence apparaître. La tresse à trois feuilles ressemble à celle que l’on fait dans les cheveux. La tresse à plus de trois brins de feuilles s’inspire de diverses techniques, dont le macramé. Une autre technique appelée « cagée » amène des formes avec plus de volume qu’une tresse. On les nomme « cocottes ». C’est celle-là qu’on avait chez-nous. Ces cocottes, rondes ou carrées. se fermaient d’un ruban ou d’un nœud très serré pour leur assurer une solidité. Il existe toutes sortes d’autres variantes nommées rosettes, vire-vent, épis de blé, croix, couronnes, etc. Le temps nécessaire pour un tressage varie en fonction des modèles, de la grosseur et qualité des rameaux.
Ces modèles évoquaient parfois une signification pour l’artisan. Il pouvait se comparer à Jésus entouré d’un cœur ou, comme celui à trois cocottes, à la Sainte-Trinité. En commençant, on se devait de très bien séparer les feuilles l’une de l’autre. Pas évident car la partie centrale du rameau n’est pas toujours suffisamment mûre. Une autre caractéristique essentielle, vos rameaux doivent être humides, sinon ils cassent pendant le tressage. Pour éviter ça, on enveloppe feuilles dans une serviette humide. Et lorsque fini, on les place dans des bacs en plastique hermétiques ou, dans le cas des grands rameaux placés à l’église, on les fait sécher la tête en bas. Au Québec, les rameaux majoritairement utilisés proviennent des palmiers de Jérusalem et sont transportés dans des sacs en jute.
Pour la forme, consultez la vidéo ci-dessous mais sachez qu’il en existe bien d’autres sur Internet.
À cause du virus, on en aura pas eu cette année.
Excellent article…bravo! Et bonne montée vers Pâques!
Belle façon de raconter ce passage de la vie de Jésus!